Incontestablement, le passage du premier ministre Justin Trudeau au Forum économique mondial aura permis de remettre le Canada à l'avant-plan de l'attention internationale, ce qu'on n'avait pas vu depuis des lustres à cette rencontre annuelle de haut niveau.

Objet d'une incessante curiosité, véritable - bien qu'incompréhensible - phénomène « selfique », Justin Trudeau a joué à fond sur sa fulgurante notoriété pour multiplier les présences à une multitude d'activités à Davos où il a été systématiquement la principale attraction.

Les organisateurs du Forum ont rapidement saisi le phénomène et n'ont pas hésité à prestement chambouler la programmation pour assurer la présence de Justin Trudeau à titre de panéliste à des événements où elle n'était pas prévue.

Le premier ministre s'est aussi pleinement investi dans les innombrables réceptions qui meublent jusqu'aux petites heures les soirées de Davos. On a pu le croiser jeudi soir alors qu'il assistait à celle de la firme de consultants internationale McKinsey, avec une foule de participants dans son sillage.

Il a exploité au maximum son image de jeunesse et son aura de « rock star ». Il était d'ailleurs manifestement plus à l'aise au moment d'un égoportrait en compagnie du chanteur Bono et de l'acteur Kevin Spacey que lors d'un tête-à-tête avec un Prix Nobel d'économie.

Or, malgré sa très mince vision économique et la façon très sommaire avec laquelle il réussit à l'articuler, Justin Trudeau a fait plus pour l'économie canadienne à Davos que s'il était resté sagement à la maison à Ottawa.

« Il a restauré l'image du Canada sur la scène internationale, après 10 années d'isolation. Il a ouvert des portes qui étaient jusque-là fermées », m'a dit John Manley, ex-ministre libéral de l'Industrie et des Affaires étrangères sous Jean Chrétien, maintenant président du Conseil canadien des chefs d'entreprise.

Mercredi, John Manley était au premier rang dans la salle principale du Centre des congrès lorsque Justin Trudeau a livré son premier grand discours international. J'étais assis derrière, mais je voyais bien qu'il était en total état de grâce.

« Je n'ai jamais été aussi fier de ma vie, m'a-t-il confirmé. Jamais l'image du Canada à l'international n'avait été aussi ternie que durant les années de Stephen Harper. Quand Brian Mulroney était premier ministre, il avait lui aussi à coeur de projeter l'image d'un pays ouvert, tolérant, pacificateur, comme il l'a été dans le dossier de l'apartheid. »

Cela dit, les appels à venir s'implanter au Canada que Justin Trudeau a lancés aux investisseurs étrangers ont pu sembler candides aux yeux de certains, sauf qu'ils marquaient une rupture d'ouverture nouvelle et urgente à régénérer l'économie canadienne.

Le « buzz » Trudeau à Davos a culminé vendredi soir lorsque le premier ministre a participé à la réception canadienne où plus de 400 invités du monde entier s'étaient littéralement entassés pour venir le voir. Du jamais vu pour ma part en 15 ans.

Content de sa visite, va-t-il revenir l'an prochain ? lui ai-je demandé. Modeste vis-à-vis du grand succès qu'il a obtenu, il a très humblement répondu : « On verra, on verra... »

DES EFFETS CONTRASTANTS

Pour mieux mesurer l'impact de l'effet Trudeau, on peut le comparer à celui que devait générer l'élection d'un gouvernement libéral à Québec lorsque l'équipe Couillard avait évalué que cette simple situation allait ajouter 0,2 % à la croissance économique du Québec.

On a bien vu que cet effet libéral ne s'est jamais matérialisé. S'inspirant peut-être un peu de Justin Trudeau, le premier ministre Couillard nous a confié mercredi qu'il allait bientôt dévoiler la nouvelle stratégie économique du Québec, qui sera dorénavant axée sur l'innovation, la numérisation et la « décarbonisation » de l'économie.

M. Couillard a fait cette confidence aux journalistes tout juste après avoir assisté au discours de Justin Trudeau, mercredi midi.

Le premier ministre du Canada venait de prendre sérieusement ses distances par rapport au développement des ressources naturelles, du pétrole en particulier, en insistant sur le fait que l'économie canadienne devait miser davantage sur l'innovation pour améliorer le sort de la classe moyenne. Est-ce que l'effet Trudeau va permettre la résurrection de l'effet libéral ?