En moins de trois ans, trois prestigieuses agences de publicité québécoises ont été absorbées par des sociétés asiatiques. Et la dernière en lice n'est pas la moindre puisque l'agence Sid Lee, considérée comme la plus créative de nos firmes de pub, a annoncé lundi qu'elle était devenue la propriété du groupe japonais Hakuhodo DY Holdings.

Il n'y a pas à dire, l'Asie exerce un attrait qui semble irrésistible pour nos agences de pub. Depuis trois ans, trois grands groupes de communication-conseil asiatiques ont ainsi trouvé les arguments - et surement libellé un chèque aussi éloquent que ceux-ci - pour convaincre trois des plus importantes agences québécoises de se joindre à eux.

L'agence BOS a été la première à être séduite par l'appel des chauds rayons du Soleil Levant lorsqu'elle est passée sous contrôle du géant nippon Dentsu, en juin 2012, pour donner naissance à Dentsu BOS Canada.

En décembre dernier, Cossette, plus importante agence canadienne, fondée à Québec en 1972, a été rachetée par le géant chinois des relations publiques Blue Focus.

Sid Lee vient de compléter le bal lundi en annonçant son association avec Kyu, division de Hakuhodo DY Holdings, qui a pour mandat de créer le regroupement d'une dizaine d'agences de publicité et de marketing parmi les plus créatives du monde.

Pour le groupe japonais, l'acquisition de Sid Lee lui permet de mettre la main sur l'une des agences qui ont le mieux réussi à mettre à profit la créativité et, donc, de renforcer son empreinte distinctive.

«On s'associe avec le premier groupe international qui a aussi la plus forte présence dans les pays de l'Asie et du Pacifique et qui souhaite que l'on se développe dans toutes les régions du monde, m'a expliqué lundi matin Jean-François Bouchard, président fondateur de Sid Lee, quelques minutes avant d'annoncer la transaction aux employés du groupe montréalais.

«Contrairement aux autres prises de contrôle par des agences étrangères, Kyu ne voulait pas seulement élargir son réseau en additionnant nos activités. Elle veut que l'on poursuive notre expansion internationale en exportant notre modèle dans les marchés, surtout en Asie, où elle est pourtant déjà présente.»

L'appel du large

Sid Lee avait déjà bien amorcé son rayonnement international, ayant des bureaux à Amsterdam, Paris, New York et Los Angeles à partir desquels elle pouvait mieux épauler ses clientes multinationales, dont Intel, Adidas ou Absolut.

«On avait depuis longtemps la volonté de poursuivre notre expansion internationale, mais on n'avait pas les moyens d'absorber d'autres groupes.

«Là, on vient de trouver un partenaire qui va nous permettre d'atteindre et même de dépasser les objectifs qu'on aurait souhaité atteindre, et ce partenaire va nous laisser l'autonomie nécessaire pour y arriver», explique Jean-François Bouchard.

Les 25 associés-actionnaires de Sid Lee vont ainsi vendre toutes leurs actions de l'entreprise, mais une partie de leur compensation financière sera liée aux résultats à venir du groupe.

Seul le Cirque du Soleil, actionnaire minoritaire mais significatif au capital de Sid Lee, va vendre ses actions sans aucune contrepartie future, mais le Cirque va poursuivre son association avec l'agence qui s'occupe de sa mise en marché sur l'ensemble de la planète.

Toutes les agences québécoises de publicité d'envergure importante sont maintenant de propriété étrangère. C'est l'agence BCP qui a amorcé le mouvement, en 1996, lorsque Yves Gougoux, propriétaire de l'agence, a vendu 70% de ses actions à la multinationale française Publicis pour créer Publicis Canada.

Le publicitaire Gougoux avait conservé l'agence BCP, qui réalisait uniquement des contrats gouvernementaux, jusqu'en 2013 lorsque Publicis a racheté la totalité de ses actions dans BCP et Publicis Canada.

Jean-François Bouchard est-il inquiet de voir ainsi les publicitaires québécois incapables de conserver leur entreprise et d'en céder le contrôle dès qu'ils deviennent des acteurs d'une stature enviable?

«Ce qui est important pour une agence, c'est d'être performante. La propriété importe moins quand tu es en mesure de bien répondre aux besoins de tes clients qui, eux aussi, prennent de l'expansion à l'international et souhaitent que tu les accompagnes», répond le publicitaire, qui affirme vouloir poursuivre le développement de Sid Lee pendant les 10 prochaines années au moins.