Quatre fois l'an, la saison de dévoilement des résultats trimestriels des entreprises publiques reste un temps fort de l'année financière qui alimente généreusement les marchés avec son lot de bonnes et de mauvaises nouvelles. C'est aussi le moment où l'on compare un peu plus et où l'on prend davantage conscience de certaines réalités.

Hier, le titre de Twitter a gagné plus de 20% à la Bourse de New York après que le média social émergent a annoncé après la fermeture des marchés, la veille, qu'il avait triplé sa perte à son dernier trimestre.

Mardi soir, sur le marché hors cote, l'action de Twitter s'était même appréciée de 30%, malgré le fait que l'entreprise venait d'annoncer que sa perte au deuxième trimestre avait atteint 145 millions US comparativement à 45 millions US à la période correspondante de l'exercice précédent.

Depuis son inscription en Bourse, en novembre 2013, Twitter n'a jamais enregistré un cent de profit, mais a plutôt cumulé une perte de 645 millions US à son dernier exercice financier.

Peu importe, les analystes ont été charmés de constater que Twitter avait doublé la taille de ses revenus, à 312 millions US, durant le trimestre et que sa base d'abonnés mensuels s'était bonifiée pour compter 271 millions d'usagers comparativement à 255 millions au trimestre précédent.

Bref, on est prêt à payer très cher pour faire partie de l'aventure Twitter avec le ferme espoir que l'entreprise accède un jour à la rentabilité. L'action a beau s'échanger à 46,30$US, on ne peut toujours pas lui attribuer un ratio cours-bénéfice puisqu'elle ne fait aucun bénéfice.

À titre de comparaison, l'action de Facebook (74,68$US), qui a atteint la semaine dernière un nouveau sommet historique, s'échange à 81 fois la valeur de ses bénéfices, ce qui est cher payé, mais reste une valorisation qui s'appuie sur du réel.

Les 80 titres d'entreprises de l'internet qui forment le NASDAQ Internet Index cumulent depuis 2009 un rendement de plus de 500%. Ce qui surpasse - et largement - les 175% de plus-value qu'a générés l'indice S&P 500 durant la même période, une valorisation que plusieurs estiment être rendue au stade de la bulle spéculative.

Le prix de l'information

Hier, Thomson Reuters, la multinationale de l'information financière, a elle aussi surpassé les attentes des analystes financiers qui tablaient sur un bénéfice par action de 46 cents alors que le groupe a livré 51 cents.

L'action de Thomson Reuters a gagné 3% hier sur les Bourses canadienne et américaine. Une récompense quand on sait que le titre cumulait depuis le début de l'année une perte de 2% de sa valeur.

À la différence de Twitter qui s'est appréciée de 20% hier, Thomson Reuters a dû congédier 5500 employés durant la dernière année afin de réduire ses coûts de fonctionnement pour obtenir ces 51 cents de profits par action et obtenir une valorisation immédiate de 3% du marché.

La spécialiste des banques de données a beaucoup souffert de la crise de 2008-2009 alors que les institutions financières ont diminué leurs dépenses en information afin de réduire leurs propres coûts de fonctionnement.

Autre exemple de la disparité entre les médias sociaux et les médias traditionnels, le New York Times a annoncé mardi des profits charcutés de plus de la moitié à son dernier trimestre (9 millions US comparativement à 20 millions US l'an dernier), alors que le célèbre quotidien a enregistré une hausse de 1,4% de son tirage, ce qui reste un exploit dans le contexte de la numérisation de l'information.

Le New York Times, tout comme le groupe Torstar hier, a enregistré une baisse de près de 7% des revenus publicitaires de son édition papier, tandis que la hausse de 3,4% des revenus de ses éditions numériques n'a pas réussi à combler le manque à gagner.

Twitter - dont l'existence dépend largement de la reprise et de l'échange d'articles de journaux traditionnels que réalisent entre eux ses 271 millions d'abonnés - ne produit donc pas de contenus, ne réussit pas à dégager de bénéfices, mais parvient plutôt à tripler ses pertes.

Twitter arrive pourtant à doubler ses recettes publicitaires en un seul trimestre, ce qui lui permet d'afficher une valorisation boursière de 27,3 milliards US. Il y a là matière à réflexion.