Lorsqu'une offre publique d'achat est jugée hostile par la partie qui en fait l'objet, elle ne peut évidemment pas se conclure par une transaction qui se réalisera dans un climat de concorde et de saine collaboration. L'hostilité génère l'hostilité, constate Michael Pearson, PDG de Valeant, la société pharmaceutique lavalloise qui a lancé une offre publique d'achat (OPA) de 53,6 milliards US sur Allergan, le fabricant du Botox.

Depuis le premier jour où l'offre de Valeant a été officiellement formulée, le 22 avril, le conseil d'administration d'Allergan a émis une fin de non-recevoir sans équivoque à la proposition qu'on lui a faite.

Malgré deux bonifications qui ont fait passer la valeur de son offre de 45,6 milliards US à 53,6 milliards US, Valeant n'a jamais été en mesure de se faire entendre par les dirigeants d'Allergan.

Le principal allié de Valeant, l'investisseur activiste Bill Ackman, qui a accumulé 9,6% des actions en circulation d'Allergan pour en devenir le principal actionnaire, n'arrive pas lui non plus à émouvoir les administrateurs de l'entreprise, même après avoir menacé de congédier six des neuf membres qui forment le conseil.

Allergan a annoncé hier le congédiement de 1500 employés, ou 13% de ses effectifs mondiaux, pour réduire de 475 millions US ses coûts annuels de fonctionnement, répliquant ainsi aux prétentions de Michael Pearson, qui affirme que la fusion avec Valeant permettrait de générer des économies beaucoup plus importantes encore.

Curieusement, le jour même où Allergan dévoile son nouveau plan de match, Michael Pearson a déposé hier des plaintes officielles auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine et de l'Autorité des marchés financiers (AMF) québécoise contre les dirigeants d'Allergan, prétextant que ceux-ci colportent de fausses informations au sujet de Valeant.

Allergan a déposé vendredi dernier des documents à la SEC qui affirment que la dernière acquisition de Valeant - le fabricant de lentilles et de matériel chirurgical Bausch&Lomb -n'a pas produit les résultats positifs que prétendait pouvoir dégager Valeant.

Allergan indique que les résultats de Bausch&Lomb font du surplace et déclinent même depuis que Valeant a fait l'acquisition de cette entreprise, il y a moins d'un an.

De la poudre aux yeux

Bon, ce n'est pas bien de colporter des faussetés, mais est-ce que les plaintes que vient de déposer Valeant vont changer quelque chose dans le cheminement de son offre d'acquisition de 53,6 milliards US qui ne trouve aucun écho favorable au conseil d'administration d'Allergan?

Michael Pearson en est convaincu. Il n'est pas question, selon lui, d'enfantillages ou de représailles de pacotille.

«Allergan veut nous discréditer en affirmant que Bausch&Lomb perd de l'argent depuis qu'on l'a achetée. C'est faux. Ça fait 11 mois qu'on a réalisé cette acquisition, et les profits ont augmenté de 7% et ils vont s'améliorer encore.

«On avait annoncé qu'on réaliserait dès cette année des économies de 850 millions en rationalisant les opérations. On n'a pas terminé l'année et on a déjà effectué pour 950 millions de coupes dans les dépenses», m'a précisé hier le PDG de Valeant.

Allergan cherche à induire les investisseurs en erreur pour que ceux-ci vendent leurs actions de Valeant et fassent pression à la baisse sur son titre.

«Allergan espère ainsi qu'on ne sera plus en mesure de financer la transaction par échange d'actions», suppute Michael Pearson.

Ceci dit, le PDG de Valeant affirme ne pas avoir été impressionné par la restructuration annoncée par Allergan. Il s'agit de mesures cosmétiques qui n'ont rien à voir avec celles qu'il prétend être en mesure de réaliser.

«Ils sont excités à l'idée de réduire leurs dépenses de 475 millions. Ce n'est rien par rapport à ce que nous avons déjà annoncé. Une fois que la fusion sera complétée, ce sont des économies annuelles de 2,7 milliards qu'on va générer chez Allergan en éliminant, notamment, les dédoublements entre les deux sociétés», anticipe-t-il.

À cet égard, Michael Pearson estime que le siège social québécois de Valeant de même que ses installations manufacturières à Laval vont profiter de la réalisation de cette transaction.

«On prévoit créer entre 350 et 600 emplois à Laval où l'on va transférer la production des produits de dermatologie d'Allergan et utiliser nos capacités qui sont sous-utilisées.

«Au moins 300 emplois devraient être créés au siège social où l'on va centraliser les activités administratives, de commercialisation et de recherche et développement», anticipe le PDG.

Reste que d'ici là, il faudra d'abord que les actionnaires d'Allergan puissent se prononcer sur la transaction projetée et, si cela se produit, qu'ils l'acceptent. Le ballon est entre les mains de l'actionnaire activiste Bill Ackman qui devra mettre à contribution tous ses talents de persuasion.