«C'est le meilleur moment de l'année pour skier à Davos», m'expliquait hier un commerçant de cette petite ville des Alpes suisses, nichée tout au sommet de l'Europe. La tenue du 44e Forum économique mondial - qui débute officiellement aujourd'hui - mobilise de fait tous les hôtels de la région à au moins une cinquantaine de kilomètres à la ronde.

Les skieurs qui habitent la région peuvent donc profiter au maximum des glaciers environnants et de leurs riches parcs de pistes, puisque les skieurs-touristes savent qu'à la fin du mois de janvier, ils n'ont pas leur place à Davos.

Ils savent depuis maintenant 44 ans que la région est envahie de squatteurs haut de gamme capables de payer jusqu'à 700$ une minuscule chambre d'hôtel pour assister au Forum économique mondial (FEM), un événement unique au monde qui ne permet plus une cohabitation paisible avec l'ordinaire.

Encore cette année, le FEM accueillera pour les cinq prochains jours plus de 2500 participants, dont 40 chefs d'État et de gouvernement - le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou y sera, tout comme le président iranien Hassan Rohani... -, 1500 PDG des plus importantes multinationales, des économistes de renom, des universitaires de pointe ainsi que des leaders d'organisations internationales, de la société civile et du monde culturel.

Ce gratin de l'élite mondiale discutera sur le thème «La refonte du monde: les conséquences pour la société, la politique et les affaires», un agenda musclé, à l'image de ceux que concoctent les organisateurs du FEM et qui occupera plus de 250 séances de discussion.

Il faut ajouter à ces leaders mondiaux les centaines de représentants des médias et tout le personnel de soutien qui accompagnent les délégations de la centaine de pays qui sont présents sur place. La logistique et la sécurité de cette rencontre annuelle mobilisent elles aussi des milliers de personnes, dont 3000 militaires de l'armée suisse.

D'ici la fin de la semaine, Davos vit donc au rythme du FEM, ou cesse de vivre, c'est selon le point de vue.

Le Québec et le Canada sur place

Le Québec sera encore cette année présent au Forum économique mondial. La première ministre Pauline Marois y est arrivée hier soir, poursuivant ainsi une tradition inaugurée dans les années 80 par Robert Bourassa.

Mme Marois est accompagnée à Davos de Mario Albert, président d'Investissement Québec, et elle réalisera une série de rencontres économiques et politiques durant son séjour.

Le président de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, est aussi sur place, tout comme Monique Leroux, chef de direction du Mouvement Desjardins, qui animera samedi matin un atelier sur le mouvement coopératif.

Le président de SNC-Lavalin, Robert Card, compte parmi les représentants québécois au FEM, ainsi que Charles Sirois qui y est inscrit à titre de président du conseil de la CIBC, mais qui portera aussi le chapeau de président-fondateur de la Fondation Enablis, qui vise à favoriser le développement de l'entrepreneuriat en Afrique et en Amérique du Sud.

Le gouvernement canadien a délégué cette année deux ministres au FEM, soit John Baird, ministre des Affaires étrangères, et Ed Fast, ministre du Commerce international.

La première ministre de l'Alberta, Alison Redford, participe elle aussi au FEM, tout comme les PDG d'importantes entreprises du secteur des ressources naturelles de l'Ouest canadien, soit Teck Resources, Suncor et Nexen.

On peut présumer qu'on discutera de sables bitumineux, d'autant que le coprésident d'honneur du Forum économique 2014 est Christophe de Margerie, PDG de Total, la multinationale française du pétrole impliquée dans l'exploitation de cette ressource canadienne.

Un cadre de discussion unique

Si le Forum économique mondial en est aujourd'hui à sa 44e année d'existence, la réputation de Davos comme lieu exceptionnel d'échanges et de réflexion remonte à bien plus loin encore.

Comme je l'écrivais plus haut, Davos est la ville la plus haut perchée d'Europe, étant située au sommet des Alpes, à 1560 mètres au-dessus du niveau de la mer. L'air qu'on y respire est frais et sec, ce qui le rend sans doute propice à la réflexion.

C'est ici que l'écrivain Robert Louis Stevenson rédigea, au début des années 1880, les derniers chapitres de L'île au trésor, nous apprend l'historique du FEM.

C'est ici aussi que Sir Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes, écrivit des nouvelles et des articles, tout comme Thomas Mann qui y créa La montagne magique.

Puis, à la fin des années 20, Albert Einstein avait instauré des sessions universitaires d'été avec des collègues français, suisses et allemands, une initiative qui prit fin avec l'effondrement de la République de Weimar en Allemagne et l'avènement du Troisième Reich...

L'ouverture officielle du FEM a été précédée hier soir par le dévoilement du sondage «global» annuel que réalise la firme PwC auprès de 1344 PDG de multinationales qui sont sondés sur leurs attentes immédiates.

Excellente nouvelle, deux fois plus de PDG que l'an dernier sont d'avis que l'économie mondiale et leurs résultats financiers seront meilleurs dans les 12 prochains mois, soit 44% par rapport à 18% en 2012. Mauvaise nouvelle, les PDG canadiens font bande à part, alors que seulement 27% d'entre eux ont une grande confiance dans l'avenir immédiat comparativement à 39% à l'échelle mondiale.