Le vol inaugural de la CSeries a permis lundi à Bombardier et à l'ensemble de l'industrie aéronautique québécoise de franchir une étape importante de leur histoire. Cette première tant attendue a fait de l'ombre sur une autre entreprise québécoise du secteur de l'aéronautique, le fabricant de trains d'atterrissage Héroux-Devtek, qui a franchi elle aussi un jalon historique lundi dernier.

Le jour même où à peu près toute l'attention des médias québécois était braquée sur Mirabel, la société Héroux-Devtek a annoncé qu'elle venait d'être sélectionnée par le géant Boeing pour devenir son seul fournisseur de trains d'atterrissage pour ses appareils 777.

Il s'agit d'un contrat majeur qui est, en fait, le plus important contrat jamais décroché par Héroux-Devtek et qui lui assurera une cadence de production soutenue dans le secteur de la production civile, qui représente aujourd'hui 45% de ses revenus annuels.

L'entreprise de Longueuil obtiendra également le mandat de fabrication des trains d'atterrissage du 777X, la version modernisée que lancera prochainement le constructeur américain. C'est à partir de 2017 que Héroux réalisera ses premières livraisons de trains d'atterrissage complets à Boeing, et le contrat devrait se poursuivre au moins jusqu'en 2028.

Si cette nouvelle importante a été évidemment occultée lundi par le premier vol de la CSeries, elle n'a pas échappé aux investisseurs boursiers puisque le titre de Héroux-Devtek a gagné 13% à la Bourse de Toronto.

«C'est un contrat majeur, historique, un game changer pour Héroux-Devtek», m'a expliqué hier Gilles Labbé, PDG de l'entreprise, qui était en mission commerciale en Allemagne pour y rencontrer des fournisseurs d'équipements.

Ça fait plusieurs années que Héroux multiplie les démarches pour augmenter sa clientèle chez les avionneurs civils, et Boeing cherchait justement à élargir sa source de fournisseurs pour ses trains d'atterrissage.

C'est le géant mondial Goodrich, division de United Technologies, qui fabrique présentement les trains d'atterrissage des Boeing 777, et Héroux-Devtek a réussi à le supplanter pour ce contrat de grande envergure.

«C'est comme les motoristes. Il y a les majeurs - Pratt, Rolls-Royce, GE et Safran -, et les fabricants d'avions cherchent à diversifier leurs fournisseurs. Étant donné que le marché est en forte expansion et qu'il se construira 28 000 nouveaux appareils dans les 20 prochaines années, ils répartissent leurs contrats.

«Fabriquer les trains d'atterrissage du 777 et du 777X, c'est majeur. On parle de 100 avions livrés par année, et ce, jusqu'en 2028 au moins», observe Gilles Labbé.

Capacité de production et acquisition

C'est la division américaine de Héroux, HDI Landing Gear, qui a signé l'entente de principe, mais la fabrication des trains d'atterrissage sera partagée avec les usines québécoises du fabricant.

«HDI Landing Gear fabrique essentiellement des composantes de trains d'atterrissage et c'est dans nos usines québécoises que se fera l'assemblage final.

«On va devoir ajouter des capacités de production. On étudie encore où cette expansion se fera. Est-ce que ce sera ici, aux États-Unis ou dans un autre pays à moindres coûts? Ça reste à voir», soupèse Gilles Labbé.

Ce dernier confirme que Héroux souhaite faire des acquisitions et que l'entreprise pourrait profiter de l'occasion pour résoudre ses besoins de nouvelles capacités de production.

«On étudie aussi la possibilité de réaliser des acquisitions dans des domaines connexes comme les fabricants de systèmes d'ouverture de portes de train ou les systèmes d'activation. On a les ressources financières pour bouger», résume-t-il.

Mon collègue Richard Dufour a bien résumé, mardi matin dans La Presse", ce que représentait l'obtention de ce contrat pour Héroux en soulignant qu'il venait valider la décision du groupe de vendre l'an dernier sa division de produits industriels et d'aérostructure pour concentrer ses énergies dans le secteur des trains d'atterrissage.

«C'est sûr que la vente de nos activités industrielles a été bonne pour les actionnaires et qu'elle nous a forcés à concentrer nos énergies sur nos métiers de base. Boeing a bien vu qu'on était bien alignés», ajoute le PDG.

Gilles Labbé refuse de dévoiler pour des raisons concurrentielles les revenus additionnels que le contrat de Boeing va générer. Un analyste de la Financière Banque Nationale les estime à 80 millions par année.

Chose certaine, Héroux-Devtek récupérera éventuellement les 130 millions de revenus annuels que lui assurait sa division industrielle, mais ce sera dans son secteur, là où elle pourra affirmer davantage son leadership.