Depuis que le nom du club 357c a été évoqué une première fois à la commission Charbonneau, en novembre dernier, jamais club privé n'a recueilli pareille notoriété en si peu de temps. Une notoriété dont se passerait bien Daniel Langlois, créateur de Softimage et propriétaire du désormais célèbre club privé.

Discret de nature, partisan du profil bas, Daniel Langlois ne donne à peu près jamais d'entrevue. Même lorsqu'il a vendu Softimage à Microsoft en 1994, dans une transaction de 200 millions de dollars, l'entrepreneur devenu mécène avait été peu disert sur les tenants et aboutissants de cette importante opération financière.

Mais le ras-le-bol de Daniel Langlois a atteint de telles proportions hier qu'il n'a pas hésité à prendre le téléphone pour m'expliquer jusqu'à quel point il était déçu que les médias et le grand public continuent d'associer si librement le club 357c, qu'il a fondé il y a 11 ans, à un repaire de bandits.

«La commission Charbonneau, avec qui on a pleinement collaboré, n'a rien fait pour faire comprendre le rôle très mineur, très accessoire qu'a joué le club 357c.

«Le club compte 1100 membres, et la Commission en a identifié 4 qui auraient été mêlés à des rencontres associées à de possibles tentatives de corruption.

«Ce qui fait un pourcentage de 0,4% de nos membres qui auraient eu des comportements malhonnêtes. Si la société avait un tel taux de malhonnêteté, ce serait le paradis sur terre», explique Daniel Langlois, qui accepte pour la première fois de parler publiquement des problèmes du club 357c.

La claque ultime qui l'a fait sortir de sa réserve habituelle est d'ailleurs venue de la CLAC - la Convergence des luttes anticapitalistes - qui a décidé de faire cheminer sa manifestation du 1er mai hier soir de l'hôtel de ville de Montréal jusqu'à son club privé, situé à proximité, rue de la Commune, dans le Vieux-Montréal.

La CLAC voulait ainsi dénoncer les élus montréalais qui se sont rendus au club 357c pour comploter avec des entrepreneurs corrupteurs du monde de la construction.

«Les médias et le public en général en sont venus à faire une association directe entre notre club privé et un repaire de bandits. On est devenus la cible facile. On n'est pas le Café Consenza», insiste-t-il.

Le club 357c a été mentionné dans 42 articles de La Presse depuis qu'on a appris, il y a six mois, que les acteurs du scandale du Faubourg Contrecoeur s'y étaient rencontrés 14 fois, en 2005 et 2006.

«Je suis déçu parce que je veux seulement que nos 50 employés et nos 1100 membres retrouvent la quiétude et la bonne réputation qu'on a toujours eues», demande le fondateur de l'Ex-Centris.

La morosité Charbonneau

S'il estime que la commission Charbonneau est nécessaire et importante pour épurer les moeurs dans le secteur de la construction et dans l'attribution des contrats publics, Daniel Langlois déplore le climat de morosité qu'ont distillé les travaux de la commission d'enquête.

Il en veut surtout aux amalgames faciles qui sont faits et qui rendent maintenant suspectes toutes les réunions d'affaires qui impliquent plus d'un individu.

«On revient toujours sur la douzaine de rencontres malhonnêtes qui ont été recensées au club 357c, alors que, depuis notre ouverture, ce sont des dizaines de milliers d'événements qui y ont été tenus. Beaucoup de collectes de fonds sont organisées par nos membres au club. On va notamment organiser la campagne de l'Unicef la semaine prochaine.

«Pour faire des affaires, il faut faire des rencontres d'affaires et c'est pourquoi j'ai créé le club 357c. Je voulais donner à Montréal un endroit unique où créateurs et gens d'affaires pourraient se rencontrer et monter des projets ensemble», explique Daniel Langlois.

L'édifice du 357, de la Commune tombait en ruine lorsqu'il l'a acheté. Ancien entrepôt d'import-export chinois, il a été endommagé durant les rénovations, mais Daniel Langlois a décidé de le restaurer selon les plans d'origine.

«J'aurais pu construire une tour, mais je voulais donner un lieu unique à Montréal, créer un club privé moderne, luxueux et convivial. Et là, notre réputation est injustement attaquée», relève-t-il.

Daniel Langlois souligne que jamais les autres clubs privés montréalais - le Club Saint-Denis, le Saint James, le Club Mount Royal ou le Mount Stephen Club (trois d'entre eux sont aujourd'hui fermés) - n'ont subi pareille cabale.

«C'est comme si on me disait: tu as créé Softimage, tu as fait de l'argent en vendant à Microsoft pis c'est pas correct. C'est mal de faire de l'argent, c'est mal de réussir», conclut le philanthrope déçu.