Contre vents et marées, Nicolas Marceau a décidé de maintenir le cap et de ramener les finances publiques québécoises dans le sillage de l'équilibre budgétaire dès l'an prochain, peu importe l'état d'assèchement des coffres de l'État ou de la conjoncture économique. On verra aujourd'hui si le ministre des Finances a fait preuve d'une belle confiance en lui ou s'il s'est transformé en téméraire excessif.

Hier, dans le cadre de la traditionnelle cérémonie de prise de photos des nouvelles chaussures que portera le ministre des Finances au cours de la lecture de son budget, Nicolas Marceau a réaffirmé son inébranlable volonté d'atteindre l'objectif du déficit zéro pour l'exercice 2013-2014.

Tous devraient normalement applaudir devant une pareille démonstration de fermeté et de sens des responsabilités.

Mais la précipitation avec laquelle le ministre Marceau a décidé d'agir - en devançant de quatre ou cinq mois le dépôt de son premier budget - nous incite à un peu de retenue. C'est d'autant plus vrai à la lumière des nombreux dossiers où le gouvernement péquiste a semblé improviser en voulant apporter des changements rapides.

On comprend que le nouveau gouvernement cherche à imposer son programme et à l'imprégner des réformes qu'il souhaite voir instaurer. La précarité de son statut de gouvernement minoritaire aurait toutefois dû l'amener à chercher moins la controverse que les consensus nécessaires à sa survie.

À cet égard, le ministre Marceau l'a bien compris lorsqu'il a revu prestement et en profondeur son projet de remplacer la taxe santé par une surimposition des contribuables les mieux nantis, avec en prime une fiscalité rétroactive.

Mais ce n'est pas en substituant un projet précipité et mal avisé par une planification budgétaire - aux objectifs ambitieux - élaborée en catastrophe que le ministre arrivera à une politique fiscale et budgétaire qui pourra tenir la route.

Le ministre Marceau a été lui-même aux premières loges pour bien comprendre et évaluer les coûts et dégâts qu'a pu générer le précédent gouvernement libéral en précipitant des annonces de projets mal préparés.

À la demande du président du Conseil du Trésor, la firme KPMG-SECOR vient de réaliser une étude sur la gestion du Plan québécois des infrastructures et la principale conclusion de ce rapport est que la précipitation à annoncer des projets a totalement vicié la comptabilité de ce programme de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Ainsi, tous les projets de plus de 40 millions de dollars qui sont inscrits au Programme québécois des infrastructures (PQI) pour 2011-2016 ont enregistré une hausse moyenne de 56% de leur coût probable de réalisation.

La provision annoncée pour les 18 projets les plus importants du PQI (CHUM, CUSM, échangeur Turcot...) a été augmentée de 78%. On enregistre enfin un écart de 130% entre le prix d'appel et celui de réalisation pour au moins 20 projets.

Voilà où peut mener la précipitation ou l'irrésistible envie de bien paraître en annonçant des projets à un coût tout à fait irréaliste.

Fait troublant, mais qu'il faut signaler, même la commande de cette recherche de KPMG-SECOR a été faite dans la précipitation.

Le groupe-conseil a eu tout juste un mois - du 5 octobre au 12 novembre - pour réaliser l'étude de tous les contrats actuels du Parti québécois, colliger les chiffres et rédiger un rapport, une démarche qui aurait dû normalement prendre trois fois plus de temps à réaliser.

Le ministre Nicolas Marceau a jugé pour sa part que la situation actuelle commandait le dépôt d'un budget en bonne et due forme. Des dépenses non prévues de 1,1 milliard et un manque à gagner de 500 millions vont s'ajouter à un déficit déjà prévu de 1,5 milliard.

Le ministre va nous expliquer comment il entend remblayer totalement ce trou de 3 milliards au cours des 16 prochains mois, et ce, malgré le fait que l'économie québécoise ne progressera même pas de 1% cette année et d'à peine 1,6% l'an prochain, selon les prévisions qu'a publiées le Conference Board, hier.

C'est avec un immense intérêt que nous allons l'écouter aujourd'hui en lui souhaitant surtout qu'il ne sombre pas dans le précipice de la précipitation.