C'est par un piqué du nez généralisé que les marchés boursiers de la planète ont accueilli hier les résultats de l'élection présidentielle américaine. Cette réaction n'était pas tant un jugement négatif à l'endroit de la réélection de Barack Obama que la froide constatation du merdier dans lequel doit maintenant se dépêtrer la première puissance économique mondiale.

Tous les analystes financiers n'en avaient hier que pour l'imminence du danger que les États-Unis se retrouvent bientôt plongés dans le gouffre du précipice fiscal.

On le sait, le président et le Congrès doivent s'entendre sur les façons de résorber le déficit de plus de 1100 milliards de dollars du gouvernement américain d'ici le 1er janvier à défaut de quoi des coupes budgétaires et des hausses d'impôt automatiques de 600 milliards vont être mises en branle.

Selon les économistes, la réalisation de ce scénario retrancherait 4% du produit intérieur brut américain et replongerait le pays en récession. Rien de moins.

Personne ne souhaite évidemment qu'une telle éventualité se produise, mais tous se souviennent du long bras de fer qui a opposé durant l'été 2011 le président Obama et le Congrès lors du débat visant le déplafonnement de la dette américaine qui se chiffrait à l'époque à 14 300 milliards.

Pour éviter de plonger le pays dans le précipice fiscal, le président Obama et le Congrès doivent trouver un compromis pour réduire la taille du déficit budgétaire et ils devront par la suite s'entendre sur un nouveau déplafonnement de la dette qui se chiffre aujourd'hui à 16 210 milliards.

L'éventualité que la première économie mondiale retombe en récession est donc un motif sérieux d'inquiétude pour les marchés boursiers du monde entier.

Mais c'en est un aussi pour les acteurs de l'économie canadienne et québécoise qui ne peuvent se permettre de voir leur principal client sombrer dans la dépression et cesser soudainement d'acheter leurs produits et services.

Bien plus qu'une source d'inquiétude, le saut possible des États-Unis dans le précipice fiscal est avant tout le résultat d'une guerre idéologique totalement absurde que mènent sans relâche les républicains afin de maintenir les privilèges fiscaux des mieux nantis et réduire au maximum l'intervention de l'État.

Ce braquage idéologique est toutefois bien réel et Barack Obama aura fort à faire pour trouver un terrain d'entente qui lui permette ensuite de mettre en place les mesures en vue d'un vrai retour à la prospérité.

Parce que la situation s'améliore aux États-Unis. La création d'emplois semble vouloir se raffermir. Après des années d'aphonie, la construction résidentielle reprend du tonus. La valeur des maisons existantes s'apprécie. La confiance des consommateurs est à un sommet des quatre dernières années.

La réélection de Barack Obama, un président de «gauche», est loin d'être une menace pour l'économie et les marchés boursiers. C'est plutôt le contraire. Historiquement, c'est sous les présidences démocrates que les marchés boursiers américains enregistrent leur meilleure valorisation.

Il faut aussi rappeler que c'est sous la présidence de Bill Clinton, encore un démocrate, que les États-Unis ont enregistré la meilleure performance économique de leur histoire entre 1993 et 2000, en alignant 116 mois consécutifs de croissance soutenue, du jamais vu auparavant.

Durant les huit années de règne Clinton, le taux de croissance économique moyen a été de 4%. Il s'est créé 22,5 millions d'emplois, le taux de chômage est passé de 7,5% à 5% alors que le taux d'impôt des nantis est passé de 31% à 40%.

C'est sous Clinton que la Bourse américaine a enregistré la plus forte valorisation de son histoire, alors que l'indice Dow Jones est passé de 3400 points à 10 000 points, générant ainsi un rendement de 230%.

Lorsque Clinton a pris la présidence en janvier 1993, le gouvernement américain affichait un déficit de 290 milliards. Lorsqu'il a laissé, en 2000, les États-Unis enregistraient un surplus budgétaire de 237 milliards et avait remboursé 363 milliards de leur dette, du jamais vu en 30 ans.

Au cours des deux premières années de son mandat où il a dû manoeuvrer en mode de gestion de crise, Barack Obama n'a épaté personne avec ses politiques économiques.

Il amorce un deuxième mandat où il ne rééditera jamais la performance de Bill Clinton, tous en conviennent, mais ce serait bien qu'on lui laisse un peu de marge plutôt que de le maintenir en déséquilibre face à précipice idéologique.