La décision du CRTC de rejeter l'acquisition d'Astral par Bell est tout à fait défendable et il est même surprenant de voir combien de spécialistes se disaient convaincus que l'organisme réglementaire allait benoîtement avaliser cette transaction en l'assortissant toutefois de certaines conditions contraignantes.

Plutôt que de demander à Bell de se départir de telle station de radio dans tel marché, de créer un fonds de développement de contenus radio et télé francophones ou de réduire volontairement sa domination dans les marchés où son jupon dépassait trop largement, le CRTC a décidé d'y aller de façon catégorique et de dire tout simplement non à la transaction. Non. Point à la ligne.

De toute évidence, le poids de Bell, une fois l'acquisition d'Astral complétée, aurait été considérable dans le paysage médiatique canadien avec notamment 24,4% des parts du marché télévisuel francophone et de 33,5% du marché anglophone.

Bell aurait effectivement exercé une domination écrasante dans le secteur des chaînes spécialisées qui sont de véritables vaches à lait pour leurs propriétaires.

De plus, le CRTC n'a visiblement pas apprécié le caractère trop improvisé des mesures atténuantes que lui ont formulées les dirigeants de Bell au tout début des audiences qu'il a tenues à Montréal.

Le président de l'organisme fédéral, Jean-Pierre Blais, avait même qualifié de «lapins sortis de son chapeau» les propositions que lui avait faites George Cope, le PDG de Bell, lors de sa présentation.

Il est par ailleurs fort ironique de constater que c'est, en quelque sorte, la convergence qui aura eu raison de la convergence. La campagne de dénigrement systématique «Dites non à Bell» que Québecor a menée sur toutes ses plateformes médiatiques pour empêcher la réalisation de la transaction Bell-Astral a sûrement contribué à infléchir la décision du CRTC.

Québecor qui domine largement le marché télévisuel au Québec avec ses 35% de parts de marché, qui domine largement le marché de la câblodistribution avec Vidéotron, qui domine outrageusement le marché des magazines et de l'édition, et qui domine enfin le marché des journaux quotidiens et hebdomadaires, a mis toute sa machine en branle pour sensibiliser sa clientèle captive aux dangers de la concentration...

Astral est une belle entreprise dont les propriétés ont une valeur certaine aux yeux de nouveaux acquéreurs éventuels. Mais il faudra recommencer tout le processus et les prochains mois donneront lieu à un flottement inconfortable, tant pour les actionnaires du groupe que pour les artisans qui y travaillent.

La décision du CRTC étant sans appel, Bell devra revoir sa stratégie. Chose certaine, sa volonté d'augmenter sa présence médiatique partout au Canada mais surtout au Québec est toujours bien réelle.

Cette volonté et la nécessité pour Bell de disposer d'une force télévisuelle nationale - elle est déjà propriétaire de CTV dans le marché anglophone - va pousser rapidement le conglomérat à relancer les discussions avec la famille Rémillard en vue de prendre une participation prépondérante dans la chaîne généraliste V.

La transaction Bell-Astral ne verra jamais le jour, mais on pourrait se retrouver bientôt au Québec avec une nouvelle télé généraliste qui pourrait bien être rebaptisée la chaîne B.