Douze ans - presque jour pour jour - après avoir réalisé l'investissement le plus important et le plus controversé de son histoire, la Caisse de dépôt récupère enfin une petite partie des 3,2 milliards qu'elle avait engouffrés dans la création de Québecor Média. Curieusement, plusieurs observateurs se demandaient hier pourquoi maintenant? La réponse est pourtant simple, c'est parce qu'il était temps.

Au total, la Caisse de dépôt va récupérer 1 milliard en argent sonnant de la transaction annoncée hier, ce qui représente le rachat par Québecor de 20 millions des actions qu'elle détenait dans Québecor Média.

Par ailleurs, Québecor inc. rachète 10 millions d'actions de plus de la Caisse dans Québecor Média en émettant une débenture convertible de 500 millions qui sera rachetée d'ici six ans ou convertie en actions subalternes de Québecor Inc.

D'ici le remboursement de cette débenture ou sa conversion en actions de Québecor, la Caisse obtiendra un rendement annuel de 4,5% sur les 500 millions, ce qui représente un rendement nettement plus élevé que le dividende annuel que lui verse Québecor Média.

Au total, la Caisse a perçu 324 millions en dividendes pour son placement de 3,2 milliards dans Québecor Média. Ce qui fait un rendement de 1% sur 10 ans, ce qui n'est pas loin de zéro.

Les termes de la transaction qui ont été dévoilés hier ont fixé à 2,75 milliards la valeur actuelle de la participation de 45,3% de la Caisse de dépôt au capital de Québecor Média, une participation qui sera maintenant ramenée à 24,6%.

Malgré sa nouvelle valorisation, la Caisse n'a toujours pas retrouvé la valeur de son placement initial qui était de 3,2 milliards, il y a 12 ans.

Même si on ajoute les 324 millions que Québecor Média leur a versés en dividendes depuis 2003, les déposants de la Caisse de dépôt n'ont toujours pas récupéré la valeur de leur mise initiale.

La Caisse vient tout de même de monétiser 1,5 milliard de son placement dans Québecor Média et espère encore réaliser un profit de cette aventure en conservant un bloc important de 24,6% dans le groupe de médias dont elle pourra disposer d'ici 2018.

Il s'agit d'une sortie en douceur et la Caisse a toujours espoir que Québecor Média poursuive sa valorisation et qu'elle puisse enfin un jour récupérer totalement ses billes et - pourquoi pas - réaliser un éventuel profit lors d'une première émission d'actions publiques.

On revient donc exactement au point où l'on était lorsque la Caisse s'est associée à Québecor en 2000. Le projet à l'époque était que la Caisse se retire rapidement une partie de son placement dans Québecor Média à la suite d'une première émission d'actions.

L'histoire qui se répète

Si la Caisse décide de se retirer en partie aujourd'hui c'est qu'après 12 années de patience - qui ont été parfois perlées de sueurs froides - elle a enfin retrouvé une fraction de la valeur du placement de la transaction qu'elle avait réalisée en catastrophe pour bloquer l'achat de Vidéotron par le groupe Rogers Communication.

Rogers avait offert en février 2000 - au plus fort de la bulle des titres technologiques - 2,4 milliards pour racheter les actions de Vidéotron. C'était déjà cher payé pour cette transaction qui impliquait un échange d'actions.

La Caisse et Québecor ont répliqué en offrant une prime de 35% dans une transaction payée au comptant. Cette offre a été déposée au mois d'août 2000 alors même que les titres technos avaient encaissé une violente correction. On connait la suite, la crise des titres technologiques s'est poursuivie au point où le placement de 3,2 milliards de la Caisse d'octobre 2000 n'en valait pas plus que 436 millions à la fin de 2002.

Si la dévaluation du placement de la Caisse dans Québecor Média avait été nettement exagérée, elle n'a fait qu'amplifier la controverse entourant les risques démesurés que le bas de laine des Québécois avait pris avec l'argent de ses déposants en misant autant d'argent dans un seul investissement.

C'est dans la foulée de ce placement dans Québecor Média qu'on a voulu édulcorer le rôle que devait jouer la Caisse dans le développement économique. Un rôle que le PQ veut réactualiser en demandant à la Caisse de créer un fonds de blocage d'OPA hostiles sur des entreprises québécoises.

Pour la première fois en 12 ans, Québecor Média ne sera plus le plus gros investissement de la Caisse de dépôt, c'est le Groupe CGI qui a pris le relais avec la participation de 1 milliard de la Caisse pour le financement de l'acquisition du groupe européen Logica.

À la différence de Québecor, le placement de 1 milliard dans CGI a produit en cinq mois seulement un rendement de 24%, ou 240 millions...