La décision récente de la société minière Stornoway Diamond de ne pas recourir à l'hydroélectricité pour exploiter sa mine de diamants et d'utiliser plutôt une centrale au diesel en a fait sourciller plusieurs qui croyaient que le Plan Nord devait être le modèle de développement durable que vient tout juste encore de défendre le premier ministre Charest au sommet de Rio.

La semaine dernière, Stornoway Diamond Corporation - une société minière dans laquelle Investissement Québec détient 37% des actions - a annoncé qu'elle n'allait pas utiliser l'hydroélectricité pour alimenter ses installations de production de diamants à son projet Renard.

Stornoway prévoit plutôt avoir recours à une centrale au diesel de 14 mégawatts qui consommera entre 20 et 25 millions de litres par année et qui émettra 35 000 tonnes de gaz à effet de serre.

Pourquoi opter pour une telle alternative - polluante et coûteuse à long terme - alors que le bassin hydroélectrique de la Baie James se trouve tout juste à 160 kilomètres au nord du projet Renard de Stornoway et pourrait lui fournir ad vitam aeternam de l'énergie renouvelable et à bon marché?

L'explication de Stornoway est bien simple. Hydro-Québec lui demande de payer immédiatement 174 millions de dollars pour construire une ligne de transmission de 50 mégawatts, une somme que la minière affirme être tout simplement incapable d'allonger.

De la même façon, le gouvernement québécois s'est engagé à prolonger de 350 km la route 167 vers le Nord pour que cette route relie le projet de mine de diamants Renard à la civilisation, plus au sud.

Québec s'engage à payer les 332 millions requis pour la construction de la route mais obtiendra un remboursement de 44 millions de Stornoway lorsque sa mine de diamants sera opérationnelle.

Certains, comme le groupe environnementaliste Nature Québec qui a déposé un mémoire à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, se demandent pourquoi Québec ou Hydro-Québec devraient financer des investissements d'infrastructures qui vont profiter durant des décennies à des sociétés qui vont théoriquement faire des centaines de millions de profits avec nos ressources naturelles.

Emilio Imbriglio, président du conseil de direction de Raymond Chabot Grant Thorton, la firme-conseil qui a notamment réalisé l'étude Les ressources naturelles, un levier porteur pour la métropole pour la chambre de commerce de Montréal, estime que c'est le rôle du gouvernement d'agir comme bougie d'allumage dans le développement de projets mobilisateurs comme peut l'être le Plan Nord.

«Le gouvernement américain a investi beaucoup à l'époque pour assurer le développement de l'ouest des États-Unis. Une fois certaines infrastructures installées, ce sont les banques qui ont pris le relais pour le financement des projets de chemins de fer et autres», explique le gestionnaire.

Si les firmes comme Raymond Chabot Grant Thorton sont souvent les premières à réclamer une présence minimaliste de l'État dans l'activité économique, M. Imbriglio observe que c'est le rôle du gouvernement québécois d'assurer un minimum d'investissements pour démarrer des projets comme celui du Plan Nord.

«Le gouvernement doit aussi s'assurer que ces projets vont se rentabiliser parce qu'ils vont augmenter l'assiette fiscale, que ce soit par l'entremise de la création d'emplois ou des redevances minières qu'il va percevoir», explique-t-il.

Dans le cas précis de Stornoway, M. Imbriglio avance l'opinion - qu'il précise être bien personnelle - que la société minière Stornoway et Hydro-Québec sont tout simplement en mode de négociation.

Ce que confirme d'ailleurs Ghislain Poirier, vice-président aux affaires publiques de Stornoway.

«On ne rejette pas du tout l'idée de participer au financement d'une ligne de transmission électrique. On préférerait et de loin exploiter la mine avec l'électricité d'Hydro-Québec.

«Mais on est incapable de financer la totalité des coûts de construction d'une nouvelle ligne alors que nous n'allons utiliser que le tiers de sa capacité. Hydro-Québec est prête à nous rembourser chaque fois qu'un nouveau client se branchera, mais aucun banquier ne va nous financer pour un tel projet», explique le responsable de Stornoway.

Le scénario d'exploiter une mine de diamants avec une centrale au diesel qui consommera 25 millions de litres par année, au coût actuel de 1,20$ le litre, est nettement moins avantageux que de se brancher au réseau d'Hydro-Québec et de profiter du tarif L à 6 cents le mégawatt.

Surtout que, sur une période de 20 ans, le prix du litre de diesel est appelé à s'apprécier de façon marquée. On comprend bien que le financement des infrastructures du Plan Nord est encore au stade des négociations.