La direction de Pratt&Whitney Canada n'a pas de quoi être fière. Elle a été reconnue coupable d'exportation à la Chine de matériel militaire sous embargo. Même si on ne parle pas ici d'un scandale majeur, il s'agit tout de même d'un faux pas militaro-commercial qui pourrait rendre les autorités américaines encore plus paranoïaques à l'endroit des entreprises canadiennes qui sont exposées à des dossiers sensibles au sud de la frontière.

Pratt&Whitney Canada (P&WC) a reconnu avoir vendu à la Chine du matériel militaire sous embargo dans le cadre d'une opération visant, au départ, à conquérir le marché chinois des hélicoptères civils. Sa maison mère United Technologies Corporation a avoué avoir omis de déclarer des exportations de matériel de défense.

Les trois entreprises vont devoir payer une amende de 75 millions en lien avec cette vente à la Chine des logiciels permettant de modifier des moteurs d'hélicoptères civils à des fins militaires.

La filière canadienne de cette histoire - qui a débuté au début des années 2000 - est bien réelle et est surtout encore très active au sein du groupe UTC.

Rappelons que c'est P&WC qui fabriquait les moteurs d'hélicoptères pour son client et partenaire chinois AVIC. À titre informatif, c'est une division de ce holding d'État chinois qui fabrique le fuselage central des nouveaux avions C-Series de Bombardier. Même si le ciel est vaste, le monde de l'aéronautique reste petit...

C'est Alain Bellemare, aujourd'hui dirigeant de toutes les activités aéronautiques d'UTC, qui était à la tête de P&WC, dont il est devenu président en 2002.

À l'époque, les responsables de Pratt&Whitney Canada étaient Alain Bellemare et Louis Chênevert qui sont aujourd'hui les numéros deux et un du géant United Technologies. Deux gestionnaires combatifs, mais sûrement pas suicidaires.

Le seul fait que ce soit des gestionnaires d'un fonds d'investissement éthique qui ont révélé que P&WC et Hamilton Sundstream avaient contribué au développement d'un hélicoptère militaire chinois démontre qu'il ne s'agissait pas d'un dossier sensible dans le radar du Pentagone ou de la CIA.

N'empêche, de plus en plus d'entreprises québécoises et canadiennes font affaire avec le gouvernement américain et elles pourraient écoper pour cette lamentable performance de P&WC.

Que ce soit CGI qui fait la gestion de plusieurs systèmes informatiques pour le gouvernement et l'armée américaine, ou Héroux-Devtek qui participe à la conception et la fabrication de certaines composantes du chasseur F-35, ces entreprises et leurs dirigeants sont constamment soumis à des examens et des contrôles de probité.

Il y a deux semaines, au cours d'une rencontre informelle avec Alan Bersin, secrétaire adjoint aux Affaires internationales et chef de la diplomatie au Département de sécurité intérieure des États-Unis, ce spécialiste de la sécurité frontalière a maintes fois rappelé combien l'étanchéité de nos frontières était capitale pour le maintien d'échanges commerciaux fluides et amicaux entre les deux plus gros partenaires économiques du monde. Un incident de rien peut tout remettre en question. Il faut éviter les riens.