Réglons une chose en partant: le Canada ne gagnera pas 41 médailles aux Jeux de Vancouver.

Je sais, je sais. C'était écrit noir sur blanc dans La Presse de samedi. Quarante et une médailles bien comptées, selon les experts que mes collègues et moi avons consultés dans chacun des 15 sports au programme des Jeux.

Un collègue de RDS, qui en connaît un bout sur le sport olympique, a sursauté: «Y a-t-il un boycott des pays de l'Est?» a-t-il lancé à la ronde sur Twitter. Un vétéran du Comité olympique canadien m'a souhaité, d'un ton amusé, que nos prédictions n'aient pas trop de retentissement international, car elles pourraient «susciter beaucoup de questions».

Mes chers amis, n'avez-vous pas vu le point d'interrogation dans le titre: «41 médailles pour le Canada?» Nuance subtile, j'en conviens, mais la vérité, c'est que nous nous doutons bien que les athlètes canadiens ne monteront pas aussi souvent sur le podium.

Le record des Jeux d'hiver est de 36 médailles, établi par l'Allemagne aux Jeux de Salt Lake City, en 2002. À Turin, en 2006, l'Allemagne avait une fois de plus dominé, remportant 29 médailles. Le Canada avait obtenu le meilleur résultat de son histoire, avec 24 podiums.

Pour que les prédictions de nos experts se réalisent, les athlètes canadiens devraient donc largement surpasser le record actuel et mettre la main sur 17 médailles de plus qu'il y a quatre ans. Grosse commande. Trop grosse, en fait. Les millions du programme À nous le podium, tout cet argent qui a payé pour des camps d'entraînement, des combinaisons de l'ère spatiale et assez de physios, de massos et de psys pour soigner une armée, tout cet argent, dis-je, va produire des résultats. Il va peut-être même permettre au Canada de réaliser son rêve de finir premier au classement des médailles. Mais 41? Oubliez ça.

Il est possible que le Canada remporte quatre médailles en patinage artistique. Il est possible qu'il en gagne 11 en patinage de vitesse longue piste. Il est possible que Julien Cousineau se faufile jusqu'au podium en slalom, même s'il n'a réussi qu'un seul top 5 à vie. Tout est possible. Ce qui l'est pas mal moins, c'est ce que les astres s'alignent pour que tous ces scénarios déjà optimistes se réalisent simultanément. S'ils s'étaient assis ensemble pour compiler leurs prévisions, nos experts auraient sûrement reconsidéré certaines d'entre elles, par souci de réalisme.

Le chef de la direction d'À nous le podium, Roger Jackson, a indiqué la semaine dernière que le Canada compte cet hiver un peu plus d'une soixantaine de médaillés potentiels. Il s'agit grosso modo d'athlètes ayant réussi deux tops 5 en Coupe du monde au cours de l'année. À Salt Lake, 40% des athlètes canadiens dans cette position étaient montés sur le podium olympique. À Turin, 49%. Même en supposant que ce «taux de conversion» atteigne 60% à Vancouver - ce qui serait remarquable -, on en arrive à 36 médailles.

Une récolte d'une trentaine de médailles - le nombre qu'Associated Press et Sports Illustrated ont tous les deux prédit - serait sans doute plus réaliste, même s'il ne faut jamais sous-estimer l'effet dopant de l'avantage du terrain sur la performance du pays hôte.

Le Canada est bien entendu l'exception à cette règle. Le pays a échoué à remporter ne serait-ce qu'une médaille d'or lors des deux Jeux qu'il a organisés, à Montréal et à Calgary.

Mais n'ayez crainte: des médailles d'or, cette fois, il y en aura. Elles pourraient venir en patinage de vitesse longue piste (Christine Nesbitt, sur 1000 et 1500 m, et Kristina Groves, sur 1500 m, sont particulièrement à surveiller), en courte piste (Charles Hamelin et François-Louis Tremblay, notamment), en skeleton (Melissa Hollingsworth) et en bosses (Jennifer Heil et Alexandre Bilodeau).

Et puis il y a le hockey, bien sûr. Surtout le hockey masculin. S'il fallait que l'or échappe au Canada, j'ai comme l'impression que même 41 médailles ne suffiraient pas à faire passer la pilule. J'espère me tromper.

Qui allumera la vasque?

Le Globe and Mail et Angus Reid ont demandé aux Canadiens qui devrait allumer la vasque olympique lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Vancouver. Les résultats dans l'ordre: Wayne Gretzky (25%), Rick Hansen (17%), Cindy Klassen (13%), Nancy Greene (12%), Gaétan Boucher (11%), Betty Fox (la mère de Terry Fox, 10%), Catriona Le May Doan (9%) et Joe Sakic (4%).

Ma préférence? Gaétan Boucher. Ses trois médailles, dont deux d'or, à Sarajevo, en 1984, ont montré aux Canadiens qu'ils n'étaient pas condamnés à jouer les seconds violons. Il a ouvert la porte dans laquelle les athlètes canadiens s'apprêtent à s'engouffrer à Vancouver.

Ma prédiction? Gretzky ou le p'tit gars de la place, l'incomparable Joe Sakic, héros des Jeux de Salt Lake. Avec une nette préférence pour Sakic. Nordiques un jour, Nordiques toujours.