WBC, WBA, WBO, IBF: avec sa multitude d'organismes de sanction, la boxe professionnelle ressemble à une soupe à l'alphabet trop diluée. Chaque division de poids compte tellement de champions différents que les ceintures s'en trouvent forcément dévaluées.

C'est pourquoi les organisateurs de la Classique mondiale de boxe, qui commence samedi, méritent nos remerciements les plus sincères. Ils ont concocté une formule qui garantit aux amateurs de boxe, au cours des 18 prochains mois, une série d'affrontements excitants entre les meilleurs super-moyens de la planète.

Enfin, presque tous les meilleurs. Car il y a un absent de taille dans ce «Super Six»: Lucian Bute. Le champion de l'IBF, qui affrontera Librado Andrade en combat revanche le 28 novembre, à Québec, n'a pas été invité. Une omission considérable, quand on sait que Bute est reconnu comme un des deux ou trois meilleurs boxeurs d'une division qui regorge de talent.

«On sait que Lucian a été considéré, mais on n'a pas été approchés», explique le patron d'InterBox, Jean Bédard.

En fait, il n'y avait pas vraiment de place pour Bute - ou pour le Mexicain Andrade, d'ailleurs - dans l'équation. Le cerveau de toute l'opération est le réseau Showtime, qui voulait évidemment s'assurer d'une forte représentation américaine, d'où la présence de trois boxeurs des États-Unis: l'ancien champion des 160 lbs, Jermain Taylor, et les espoirs invaincus Andre Ward et Andre Dirrell, tous deux médaillés aux Jeux olympiques d'Athènes, en 2004.

Les trois autres concurrents sont l'Allemand Arthur Abraham, qui a abandonné sa ceinture des poids moyens pour participer au tournoi, le Danois Mikkel Kessler, champion de la WBA et autrefois vainqueur d'Éric Lucas, et l'Anglais Carl Froch, champion du WBC depuis sa victoire contre Jean Pascal dans sa ville natale de Nottingham, en décembre 2008.

«C'est une question de business, d'image et de crédibilité. Ils voulaient des boxeurs américains et européens pour aller chercher des revenus (de télé). Ce sont tous des boxeurs crédibles, mais ça aurait donné une touche de plus si Bute avait été là», reconnaît Pascal.

Chaque boxeur livrera trois combats préliminaires et obtiendra deux points pour une victoire (avec un boni d'un point en cas de K.-O.) et un point pour un match nul. Les boxeurs titulaires des quatre meilleures fiches s'affronteront ensuite lors de demi-finales prévues pour le début de 2011. La finale devrait suivre au printemps 2011.

«Au début, il devait y avoir huit participants. Mais les gens veulent que les États-Unis ressortent et si Lucian avait été là, il y aurait peut-être eu quatre non-Américains en demi-finales!» fait remarquer Jean Bédard, qui ne semble pas particulièrement dérangé par l'oubli dont est victime son protégé. «Dix-huit mois, c'est une éternité en boxe. Et il n'est pas impossible que Lucian remplace un boxeur qui déciderait d'abandonner. Il y a bien des affaires qui peuvent se passer.»

Que Lucian Bute soit ou non dans le coup, de bien jolis affrontements se dessinent. En lever de rideau, samedi, on aura droit à un programme double (disponible sur Indigo dès 20h et dans les Cages aux sports après le match du Canadien). À Berlin, Abraham (30-0, 24 K.-O.) affrontera Taylor (28-3-1, 17 K.-O.), qui tentera de faire oublier les trois défaites qu'il a subies à ses quatre derniers combats. Puis, Carl Froch (25-0, 20 K.-O.) défendra son titre du WBC contre Andre Dirrell (18-0, 13 K.-O.), à Nottingham. Le combat entre Kessler et Ward aura lieu le mois prochain à Oakland.

À ce stade, Froch et Kessler sont les favoris des preneurs aux livres. Peu importe le vainqueur, Bute, s'il est toujours champion de l'IBF dans un an et demi, sera bien placé pour obtenir un très lucratif combat d'unification contre le champion du «Super Six», qui détiendra les deux autres principales ceintures (WBA et WBC).

Sur un plan plus large, ce tournoi est rafraîchissant parce qu'il permettra à six excellents boxeurs - leur fiche globale est de 161-4-1 et 117 K.-O. - de s'affronter sans craindre de tout perdre en cas de défaite. «Je vais suivre ça assidûment, dit Éric Lucas, qui, on s'en serait douté, pense que Kessler va l'emporter. Ça va nous sortir de la zone de confort où tout le monde protège tout le monde. Là, on sait qu'on peut revenir même si on subit une défaite.»

C'est une tellement bonne idée, en fait, qu'InterBox et le Groupe Yvon Michel ont discuté de la possibilité de mettre sur pied à l'échelle québécoise un tournoi du même genre, chez les poids moyens. Vrai qu'avec Sébastien Demers, David Lemieux, Renan St-Juste et Walid Smichet, les possibilités sont là... À suivre.

Lucas contre Bute... à l'entraînement

Les nouvelles sont bonnes pour Éric Lucas. Sa fille Mélodie va bien après avoir fini récemment de longs traitements contre le cancer. Quant à lui, il aidera Lucian Bute à se préparer pour son combat contre Librado Andrade. «Je vais être prêt à mettre les gants avec Lucian en Floride pendant ses deux dernières semaines d'entraînement, a dit Lucas. Ça peut juste être bon pour moi de revenir contre un gars comme lui.» Lucas ne s'est pas battu depuis sa défaite contre Mikkel Kessler en janvier 2006. Il est retourné en gymnase il y a un mois et a livré une trentaine de rounds d'entraînement jusqu'ici. Son grand retour pourrait survenir dès le 11 décembre, en sous-carte du combat entre Jean Pascal et Adrian Diaconu, au Centre Bell. «On verra. Ça pourrait être le 11 décembre, mais c'est juste une possibilité.»