Je l'aime, ce festival. Plus que le jazz, les FrancoFolies et Juste pour rire réunis.

J'aime Osheaga, parce que son offre musicale ratisse large. Hip-hop lourd, électro commercial, rock indépendant ou pop sucrée, le détenteur du précieux bracelet à 127 $ pour une journée (il en reste à vendre) se balade d'une scène à l'autre et tombera assurément sur un spectacle qui le rassasiera.

Les meilleurs shows ne se déroulent pas nécessairement sur les deux scènes principales. En 2010, j'ai largué Arcade Fire (scandale !) sous les feux d'artifice pour entendre la chanteuse suédoise Robyn sous les arbres. Et ce fut mon meilleur concert - et de loin - du week-end d'Osheaga.

Comme Coachella près de Palm Springs, en Californie, Osheaga a transcendé son statut de festival de musique. C'est désormais une tradition estivale montréalaise. C'est un évènement social et mondain. C'est un rassemblement de camions de bouffe de rue. C'est un immense défilé de mode à ciel ouvert.

C'est l'endroit parfait pour voir et être vu. C'est le lieu où tu vas croiser 57 fois le clone de la festivalière typique avec ses énormes verres fumés à la Golden Girls, son gigantesque chapeau mou, son « choker » lacé et son petit short en denim effiloché.

Les puristes râleront que la musique a été tassée au profit d'une bohème purement commerciale. Bah, laissons-les rouspéter. Pensez-vous vraiment qu'en août 1969, tous les hippies d'Amérique du Nord ont convergé dans un champ perdu de l'État de New York uniquement pour s'abreuver de rock, de folk et de blues ?

C'est clair que non. Woodstock, en plus de son offrande généreuse de décibels, représentait les fleurs dans les cheveux, les folies de jeunesse et la fête aussi bien arrosée qu'enfumée. Le même genre de rite de passage qu'a été Osheaga, depuis 2006, pour bien de jeunes adultes ayant porté la couronne de fleurs à la Lana Del Rey, une tendance qui a fané depuis belle lurette.

Comme à Bonnaroo ou Lollapalooza, Osheaga pullule d'« influenceurs » au look boho-chic qui pointent leurs caméras sur eux-mêmes plutôt que de les diriger vers les artistes. Bah. Laissons-les gagner leur croûte commanditée. Oui, il y a des tentes de vêtements sur le site, mais personne ne nous force à y acheter des chemises à motifs d'ananas ou de melons d'eau.

Les vrais amateurs, eux, se salissent les Vans et n'ont pas peur de tremper leur camisole de bière froide ou de sueur chaude. Les vrais fans ne portent pas de longues robes blanches faites au crochet, car, alerte au divulgâcheur ici, elles finiront inévitablement par traîner dans la bouette ou la poussière.

Le festivalier expérimenté sait que la gougoune de plage ou la sandale ouverte équivaut à des pieds crottés et ensanglantés le temps de crier « y vont-tu jouer Despacito ? ».

L'aficionado aguerri traîne de l'argent liquide sur lui pour s'abreuver de liquide et charge complètement la batterie de son cellulaire avant de sauter dans le métro.

Note d'intérêt public, ici. Si tu es le genre de personne à dire : « Yo, fais attention à mes cheveux, ça m'a coûté 300 $ de mèches, genre », reste en retrait, s'il te plaît. C'est mieux pour toi. C'est mieux pour nous.

Ah oui, les talons hauts, mesdames, c'est proscrit à Osheaga à moins d'apparaître sur l'affiche du festival comme Tove Lo, Zara Larsson ou Solange.

Depuis quelques étés, Osheaga prend aussi des airs de Brosheaga, où la clientèle masculine du Beachclub descend au parc Jean-Drapeau, torse nu, une canette de houblon dans chaque main en hurlant : « Dude, c'est malade ! » C'est bien correct. Pourvu que tous les sous-groupes cohabitent dans une paix relative.

Osheaga est une affaire de plus en plus grand public, surtout fréquentée par des vingtenaires et des trentenaires. Ce n'est pas du tout un congrès de hipsters. Ceux-ci ont déserté l'endroit depuis plusieurs années, parce que, franchement, c'est « vraiment trop commercial, allô ».

Et qui j'ai hâte d'aller voir à partir du vendredi 4 août ? Lorde, Tove Lo, Solange (son disque A Seat at the Table est magnifique), Geoffroy, Liam Gallagher (par curiosité), Zara Larsson, Alabama Shakes et The Weeknd.

Dernier truc, dès que le festival se termine, arrachez votre bracelet. Vous ne voulez pas être cette personne qui attend que ledit bracelet se désagrège de lui-même, parce que vous avez tellement tripé votre vie à Osheaga, man, que vous vous y accrochez comme à une bouée en pleine mer agitée.

Il y aura un autre Osheaga l'an prochain. Et un autre en 2019. Les souvenirs, c'est comme une prescription d'anxiolytiques, ça se renouvelle !