L'adaptation de formats de télé étrangers ne se démode pas. Au Groupe V Média, c'est pratiquement devenu la norme: on achète une recette d'émission qui cartonne ailleurs dans le monde, on l'assaisonne avec des épices locales et voilà, on obtient un succès d'écoute garanti comme ce fut le cas pour Les détestables, L'amour est dans le pré, Taxi payant, Ce soir tout est permis ou Un souper presque parfait, pour ne nommer que ceux-là.

À cette liste d'épicerie, il faudra ajouter cet automne Coup de foudre, Célibataire et nus ainsi que Tu m'aimes, tu mens, qui dérive du jeu de séduction grec The Married Game. Ça commence à faire beaucoup dans une petite assiette.

En fiction, l'achat de formats excite moins les patrons des programmes, qui préfèrent miser sur des histoires mitonnées ici. Mais il existe quelques exceptions. Après avoir modifié In Treatment pour créer En thérapie, TV5 a lancé fin juin la version québécoise de la comédie Web Therapy, relayée par Showtime aux États-Unis. Malgré quelques textes qui auraient pu mordre davantage, c'est plutôt sympathique et réussi comme passage.

Édith Cochrane, la vedette de Web thérapie, avait de gros escarpins à chausser, soit ceux de l'actrice Lisa Kudrow (Phoebe dans Friends), qui a inventé ce personnage de thérapeute inadéquate et centrée sur elle-même.

Le danger était de rendre trop désagréable ou antipathique cette psy de pacotille, qui s'appelle Florence Champagne et qui ne possède ni diplôme, ni formation, ni aucune forme de tact.

Sans flirter avec la caricature, Édith Cochrane réussit à rendre attachante cette pseudo-gourou drôlement carencée. Pas de burlesque ni d'hystérie dans son jeu, mais la bonne dose de finesse.

Notre Florence, qui se fait frauduleusement appeler Dre Champagne, offre à ses patients des consultations par Skype de trois minutes top chrono. Et ne lui racontez pas votre cauchemar d'hier ou votre traumatisme dans le carré de sable en maternelle, elle s'en sacre. Ce qui la branche, c'est de décrocher du financement pour sa méthode, tout en manipulant ses clients pour qu'ils croient à l'efficacité de ses traitements éclair.

Au départ, elle nous apparaît revêche, cette Florence. Plus la série progresse, plus on découvre que la franchise cassante et le détachement de Florence cachent en fait de l'insécurité et un grave manque d'amour maternel.

Le passé de Florence demeure toutefois nébuleux: pourquoi cette ex-femme d'affaires diplômée des HEC a-t-elle été congédiée d'une grande firme d'investissement? Le passé de son mari, un avocat et aspirant politicien campé par Pierre Brassard, renferme aussi plusieurs squelettes intéressants.

Web thérapie offre un divertissement de qualité. Vous ne crierez pas au génie en enfilant les demi-heures, mais vous passerez un agréable moment. Ça passe les mardis à 19 h 30 sur TV5. Les épisodes sont aussi disponibles en vidéo sur demande.

The Girlfriend Experience

Autre suggestion, mais à l'autre bout du spectre psychologique: The Girlfriend Experience, une télésérie inspirée du film du même nom tourné par Steven Soderbergh en 2009. Vous pouvez visionner les épisodes en rattrapage sur Super Channel ou les acheter sur iTunes.

C'est très étrange et déstabilisant comme produit télé. Nous y suivons Christine, une brillante étudiante en droit de Chicago jouée par Riley Keough, la petite-fille d'Elvis Presley. La moitié du temps, l'intrigue ressemble à celle de Suits, alors que Christine bosse comme stagiaire dans un prestigieux cabinet d'avocats.

Pendant l'autre moitié, Christine se consacre à son deuxième métier: escorte de luxe. Le type de prostitution qui implique des soupers à 500 $ le couvert et des nuits dans les hôtels les plus chics.

Le plus étrange, c'est l'absence totale d'émotions que dégage Riley Keough: elle a constamment l'air de s'emmerder.

Comme téléspectateur, on se gratte la tête. Est-ce que ces demi-heures de The Girlfriend Experience m'ennuient moi aussi? Ou est-ce que la comédienne est juste vraiment excellente dans son rôle d'adulescente blasée?

Puis on dévore la demi-heure suivante. Et l'autre d'après, pour comprendre qu'on a été happé par la double vie de Christine.

Jamais on ne décode si ce que Christine fait est bien ou mal. L'héroïne, très intelligente mais peu expressive, ne se pose pas ces questions-là non plus.

La télésérie ne porte pas de jugement sur le plus vieux métier du monde et se contente de nous en montrer les dessous moins glauques, avec des dialogues réduits au minimum. On vient quasiment à se dire que, finalement, Christine fait très bien de vendre son corps à des millionnaires: c'est de l'argent si facilement gagné!

C'est peut-être pour ça que The Girlfriend Experience nous rend si mal à l'aise. Parce qu'on en vient presque à cautionner le marchandage du corps de la femme.