Marie-France Bazzo. Julie Snyder. Christiane Charette. Trois animatrices et productrices influentes à la télé québécoise depuis des dizaines d'années, tous réseaux et empires confondus. Trois têtes d'affiche qui ont pourtant toutes vu le tapis leur glisser sous les chaussures pendant la saison de télé 2015-2016.

C'est assez pour se demander si le milieu du petit écran ne traite pas plus durement ses vedettes de sexe féminin. Pensez-y un moment. Quand Patrice L'Écuyer ou Charles Lafortune perdent un contrat lucratif, leur employeur les replace très rapidement à la tête d'un gala prestigieux ou d'un nouveau quiz. L'union fait la force passe à la trappe ? Bah, c'est pas grave. Patrice L'Écuyer hérite de Silence, on joue !.

Chez V, quand un projet d'Éric Salvail - tel Ce soir tout est permis - est arraché de la grille horaire, il en pousse quatre autres le temps de crier « shooter ». Et à TVA, Guy Jodoin saute d'un projet à l'autre (Sucré salé, Le tricheur, le gala Artis, Karl & Max) sans que son temps à l'écran ne soit amputé.

Pour les femmes de plus de 40 ans, à talent égal, c'est pas mal plus difficile, disons ça poliment. Télé-Québec débranche le 125, Marie-Anne ? Pouf ! Christiane Charette disparaît du radar, aspirée dans un grand trou. Pas de solution de rechange pour la dame en noir. Ne venez pas me dire qu'il n'existe pas une toute petite place pour une personnalité pétillante comme elle sur nos ondes, franchement !

Est-ce simplement un malheureux concours de circonstances ? Pas certain. Parfois, on a la fâcheuse impression que la loyauté envers une star de la télévision ne se conjugue qu'au masculin.

Marie-France Bazzo a expérimenté une situation similaire à celle de Christiane Charette au cours de l'hiver. Privé de crédits d'impôt, son pertinent magazine Bazzo.tv a été torpillé par Télé-Québec après 10 ans en ondes.

Marie-France Bazzo a-t-elle été réaffectée ailleurs dans la programmation ? Non. Encore ici, le plan B n'existe pas. On a simplement laissé partir Mmes Bazzo et Charette. Merci beaucoup pour vos bons services, on se rappelle, OK ?

À 48 ans, Julie Snyder se retrouve devant un mur similaire, même si elle compte plus de 30 ans de métier et des succès éclatants comme L'enfer, c'est nous autres ou Star académie. Que se passera-t-il avec la démone une fois les enregistrements du Banquier bouclés à l'été ? Nul ne le sait.

Chose certaine, TVA ne lui a encore rien proposé de concret pour l'empêcher de déguerpir. C'est le silence le plus complet à ce sujet. Tout le contraire de Véronique Cloutier, la grande exception dans ce système de castes, qui jouit d'un traitement royal à Radio-Canada.

Oui, Julie Snyder a profité largement de la machine de Québecor Média et du soutien indéfectible de TVA dans les 20 dernières années. En même temps, l'animatrice et productrice leur a fourni du contenu de qualité supérieure, sans quoi la convergence n'aurait jamais pu se déployer à pleins gaz. C'est donnant, donnant.

On le sait : quand une téléréalité ne décolle pas et vogue d'une turbulence à l'autre - comme la première saison de Vol 920 -, c'est impossible, malgré des efforts colossaux de promotion, de vendre des magazines à la pelle.

Maintenant, c'est assez absurde de voir une artisane talentueuse et populaire comme Julie Snyder se demander, avec le CV touffu qu'elle a, si TVA daignera bien lui tailler une petite place à son antenne la saison prochaine. Ça dépasse l'entendement.

Ce milieu est cruel. Encore plus pour les femmes, qui doivent elles aussi se battre pour décrocher des contrats d'animation tout en encaissant une volée de commentaires à propos de leur apparence physique, un phénomène qui affecte moins leurs collègues masculins.

Si une femme vieillit naturellement devant la caméra, elle se fera dire qu'elle a donc bien l'air fripé, mon Dieu !

Si une femme subit des interventions pour éviter de se faire dire qu'elle a l'air fripé, on lui reprochera d'avoir sacrifié sa beauté naturelle, mon Dieu ! on ne la reconnaît plus.

Si une femme prend du poids dans l'oeil de la caméra, elle recevra une pluie d'insultes dignes d'une cour d'école. Si elle en perd, alors là, on se scandalisera devant sa maigreur épeurante.

Si une femme brasse la cage pour obtenir ce qu'elle veut, on dira qu'elle est hystérique. Et si un homme fait exactement la même chose, on louangera ses qualités de fin négociateur.