Si les trois (excellents) épisodes des Beaux malaises que j'ai vus hier sont aussi bons que le reste de la saison, Martin Matte s'aligne pour nous offrir son produit télé le plus achevé et le mieux maîtrisé en trois ans.

En plus d'exercer sa plume grinçante avec autant d'agilité, l'auteur et comédien s'amuse maintenant avec les codes de la télévision. Ça donne des moments surprenants où Martin Matte, en discussion intense avec son ami Jean-François (Martin Perizzolo), avertit le téléspectateur de l'arrivée imminente d'une pause pub. Comme au Banquier. Et ça s'imbrique parfaitement dans l'histoire.

Autre exemple? La mère de Martin (drolatique Michèle Deslauriers) radote et ne croit pas son fils humoriste quand il lui jure qu'elle a déjà raconté cette anecdote plate. Solution pour la convaincre? Martin sort le DVD de la première saison des Beaux malaises et montre à sa maman Monique la scène où, justement, elle redit mot pour mot cette même réplique. Superbe mise en abyme.

J'adore ces séquences autoréférentielles. Elles élèvent Les beaux malaises à un niveau supérieur. Au Québec, aucune comédie (désolé, Boomerang) n'accote présentement l'intelligence et l'audace de la série de Martin Matte.

Par rapport aux sujets abordés, rien n'est tabou. Le premier épisode, que TVA relaiera le mercredi 13 janvier à 21h, tourne autour de la masturbation et du vibrateur de Julie (Julie Le Breton), que le jeune Léo (Charles William Ross) a trouvé, par hasard, dans la salle de lavage. Attendez d'entendre le discours salé de Monique sur «son premier 69 avec Robert». C'est à la fois pissant et gênant.

Cet épisode déclenche plusieurs discussions osées sur les fantasmes féminins ou sur les hommes qui utilisent des godemichés dans le boudoir, une fois les lumières tamisées. Patrick la grande-gueule (Patrice Robitaille) se trompe royalement en pensant que sa blonde Véronique (Catherine Proulx-Lemay) tripe sur les feux de foyer, la romance, les chandelles parfumées et «toutes ces niaiseries-là». Le clip onirique qui suivra ne passerait pas à 19h ou à 20h, mettons.

Voilà une autre des grandes forces des Beaux malaises: elle surprend, secoue, fait rire et réfléchir. Le neuvième épisode (9 mars), qui traite d'infidélité, ébranlera plusieurs fans, moi le premier. Qui trompe qui entre Julie et Martin? Pas de divulgâcheur ici. L'émission se clôt sur une scène déchirante (allô les larmes aux yeux) qui, quatre secondes plus tard, nous arrache un immense sourire. C'est exactement ça, Les beaux malaises.

Tous les acteurs jouent bien dans cette comédie, à commencer par les deux interprètes principaux, Martin Matte et Julie Le Breton, qui forment un des couples les plus crédibles - et attachants - du petit écran québécois.

Au deuxième épisode, Patrick couche avec la blonde vulgaire d'un motard de Brossard, rôle qui a été confié à Laurence Leboeuf et qui lui fera dire: «Même avec tous mes fucking trucs, il bandait juste à moitié du batte». Salut les tout-petits!

C'est aussi dans cet épisode que Martin Matte s'offre quelques retours dans le passé fort révélateurs. Partez ici une chanson de Kiss. Et comme dans les saisons précédentes, la trame sonore des Beaux malaises contient des bijoux comme Calfeutrer les failles de Tire le coyote ou Comme un cave d'Éric Goulet.

Dans le troisième épisode (27 janvier), le metteur en scène Serge Denoncourt invitera Martin Matte le clown à monter sur les planches pour faire du «théâtre sérieux». Uh-oh. Ça ne se passera évidemment pas super bien. Maude Guérin et Sophie Cadieux y apparaîtront brièvement.

La célèbre marionnette de la vérité reviendra au sixième épisode, où Monique songe à s'installer chez Julie et Martin. Une bien mauvaise idée. La prof de Florence (Geneviève Schmidt), alias Mme C'est trop pour moi!, fera aussi une autre apparition, tout comme la mère de Julie (Christiane Pasquier), vue dans l'émission spéciale de Noël.

Pour l'instant, le futur des Beaux malaises baigne dans l'incertitude. Le réalisateur Francis Leclerc, toujours inventif et allumé, a confirmé hier qu'il n'embarquerait pas dans une quatrième saison. Martin Matte, épaulé par François Avard, hésite aussi à plonger dans l'écriture de 10 nouvelles demi-heures. Peut-être qu'il se contentera d'un gros épisode spécial pour boucler le destin des Beaux malaises, la décision n'a pas encore été prise.

L'ambivalence de Martin Matte se comprend. Parfois, mieux vaut partir au sommet plutôt que de se faire dire par un chroniqueur sarcastique (coucou!) qu'on a pondu la saison de trop.