Nos gouvernements pourraient-ils arrêter deux minutes de jouer de la tronçonneuse - ou d'y songer sérieusement - dans les budgets de nos deux diffuseurs publics? Il existe certainement d'autres programmes qui coûtent pas mal plus cher que nos programmes de télévision, non?

Après la tour de Radio-Canada qui vacille sous les frappes répétées des conservateurs à Ottawa, voilà que Télé-Québec apparaît dans la ligne de coupe du gouvernement Philippe Couillard. Les rumeurs de la mutation 100 % web de Télé-Québec bourdonnent depuis la fin de l'été, mais personne dans le milieu ne croyait que Québec puisse sortir la chaîne des ondes pour n'offrir sa programmation que sur internet.

Aussi bien fermer la boîte, tant qu'à y être. C'était tellement farfelu, ridicule et absurde comme projet qu'aucun bouclier ne s'est levé. Car la migration complète de Télé-Québec vers le web, finalement écartée mercredi, aurait tué cette station, tout simplement.

Penser que le salut de Télé-Québec passe par le web - bien quoi? C'est l'avenir! - démontre une profonde incompréhension de l'industrie télévisuelle. Plusieurs titres du catalogue de Télé-Québec comme Belle et Bum, SNL Québec, Les gars des vues, Les bobos, Kaboum, 1, 2, 3... Géant, Les Argonautes, Subito texto et presque tous ses documentaires puisent une bonne partie de leur financement dans le Fonds des médias du Canada.

Si ces émissions ne bénéficient plus d'une diffusion traditionnelle, couic, le Fonds des médias fermera le robinet des subventions et on les débranchera les unes après les autres.

Le déménagement sur le web éroderait aussi une grosse partie des recettes publicitaires de Télé-Québec, qui financent 10 % de sa programmation. L'écoute de Télé-Québec se fait massivement de façon traditionnelle, devant un téléviseur, les pieds sur la table à café. Les annonceurs ne paieront jamais aussi cher pour des réclames destinées uniquement au web, à un public plus restreint.

Maintenant, avec des revenus publicitaires faméliques et pratiquement plus de fric du Fonds des médias, comment Télé-Québec offrirait-elle du contenu audacieux et original à ses «téléspectanautes»? Elle ne pourrait pas et serait condamnée à mourir ou à nous servir des reprises de Chabotte et fille. Non, merci.

Nous avons besoin de Télé-Québec dans le paysage audiovisuel québécois. Ne serait-ce que pour toute la riche programmation destinée aux tout-petits, qui tapisse 40 % de toute la grille.

Nous avons besoin des Francs-tireurs pour brasser la cage, des Appendices pour nous bidonner et de Bazzo.TV pour réfléchir.

Nous avons besoin de Télé-Québec, qui ose encore inscrire à l'horaire des magazines culturels (Formule Diaz), des émissions scientifiques (Le code Chastenay) et des jeux à la fois intelligents et divertissants (Génial!).

Télé-Québec, c'est aussi Josée di Stasio, Un chef à la cabane, Curieux Bégin, Deux hommes en or, Dis-moi tout ainsi que le pertinent magazine de consommation Ça vaut le coût. Que nos «taxes et nos impôts» financent tout ça ne me dérange pas une seule seconde.

Si la télé publique arrive difficilement à joindre les deux bouts, la télé privée, elle, encaisse les bonis. Bell Média, sous la houlette du grand patron Mario Clément, a annoncé jeudi que Super Écran relaiera l'an prochain trois séries québécoises produites en exclusivité pour cette chaîne payante, soit deux comédies et une télésérie dramatique.

C'est une première pour Super Écran, qui, contrairement à Séries +, n'a jamais retransmis ses propres émissions. Patrice Lemieux 24/7 prendra l'affiche en mai et suivra cette (fausse) superstar du hockey, campée par Daniel Savoie, pendant une saison de 10 épisodes de 30 minutes. Louis Morissette, qui produira Patrice Lemieux 24/7 avec sa compagnie KOTV, et Patrice Robitaille y joueront aussi.

Le deuxième projet de Super Écran sera une autre comédie découpée en demi-heures et arrivera en ondes l'été prochain. À l'automne, Super Écran dévoilera son dernier gros morceau: une prestigieuse série dramatique.

On me chuchote que Séries +, propriété de Corus, injectera également plus d'argent dans des fictions québécoises. Au prix que nous coûtent tous ces bouquets de chaînes spécialisées, c'est toujours plus attirant d'avoir quelques titres québécois à dévorer au milieu de toutes ces versions doublées des succès de HBO, CBS ou ABC.

JE LÉVITE

Marco Polo sur Netflix

C'est vendredi que le service en ligne Netflix rendra accessible sa nouvelle série vedette Marco Polo, qui racontera les liens de ce marchand vénitien du XIIIe siècle avec l'empereur mongol Kubilai Khan. Produite au coût de 90 millions pour 10 épisodes d'une heure, Marco Polo hérite du titre de la télésérie la plus chère de l'histoire du petit écran, encore plus coûteuse que Le trône de fer. On s'en reparle bientôt. Et bonne séance de rafale télévisuelle.

JE L'ÉVITE

Julie dans la pub de Tim Hortons

Ça fait des années que Julie va prendre son café chez Tim et que, chez elle, elle boit n'importe quoi. Le matin où Julie a découvert qu'elle pouvait mettre du café moulu Tim Hortons dans sa propre cafetière électrique, whoa, elle a capoté. «Je peux pas croire que je me privais d'un bon café dans ma maison», nous confie Julie avec beaucoup trop d'enthousiasme. Cette pub a-t-elle été tournée en 1972? #PauvreJulie