Ils font pitié, les deux soldats israéliens libérés après 17 ans de captivité dans le premier épisode de la série Les prisonniers (Hatufim, en hébreu), l'oeuvre originale qui a inspiré le succès canon Homeland.

Des cicatrices pas très jolies barbouillent les corps amaigris de ces deux hommes que leurs proches peinent à reconnaître tellement ils ont changé. Les deux prisonniers de guerre ont des tics nerveux pires que ceux de Suzanne dans Unité 9. Ils ont été torturés, isolés et humiliés à répétition. Mais cacheraient-ils quelque chose derrière ce masque inquiétant de personne terrorisée? Seraient-ils convertis et maintenant téléguidés par l'ennemi arabe?

Même si vous avez tout dévoré de Homeland, ce qui est mon cas, vous ne perdrez pas votre précieux temps avec Les prisonniers. C'est brillant. Cette émission israélienne, assemblée avec dix fois moins de budget que Homeland, démarre le lundi 28 avril à 22h sur les ondes d'ARTV. Les plus impatients d'entre vous peuvent déjà visionner les deux premiers épisodes, qu'ARTV a mis en ligne sur son site web lundi.

Le canevas de base des Prisonniers et de Homeland est le même, mais la façon de raconter l'histoire diffère complètement. Homeland évacue rapidement les tourments personnels du sergent Nicholas Brody pour se jeter dans le thriller politique à la 24 heures chrono. Adoptant une approche plus humaine et moins bing, bang, pow, Les prisonniers creuse un sillon plus intimiste: comment une personne ayant été kidnappée pendant 17 ans peut-elle reprendre une vie normale auprès des siens?

Dans Homeland, un seul soldat rentre à la maison: le rouquin Nicholas Brody, après huit ans de détention en Irak. Dans Les prisonniers, ils sont deux à être relâchés vivants: Nimrod Klein et Uri Zach, qui ont croupi pendant 17 ans en Syrie. Ils ne connaissent donc ni le web ni les téléphones intelligents. Le monde qu'ils ont connu n'existe plus.

Nimrod est celui qui ressemble le plus à Brody. Il a une femme et deux adolescents - de purs étrangers - qu'il n'a jamais pu connaître. L'épouse de Nimrod l'a attendu pendant tout ce temps, sans refaire sa vie. Et la grande ado de Nimrod est aussi agaçante que Dana Brody dans Homeland.

Le cas d'Uri s'avère plus complexe. Sa fiancée a perdu espoir pendant sa longue absence et elle s'est remariée avec son beau-frère (le frère d'Uri). Quand Uri serre sa copine pour la première fois en 17 ans, il ne sait absolument pas qu'elle vit actuellement avec son frère. L'armée israélienne insiste pour qu'Uri n'apprenne rien tout de suite. La femme, déchirée entre les deux frangins, vit très mal avec cette délicate situation.

Bien sûr, les accros à Homeland verront poindre quelques revirements, comme les soldats qui se parlent par langage codé. Mais rien pour gâcher la découverte de ces Prisonniers.

Homeland, un feu roulant, nous plonge immédiatement dans l'espionnage, la paranoïa et la chasse aux terroristes. Les prisonniers privilégie une démarche plus lente, qui s'apparente quasiment au documentaire.

La super agente de la CIA Carrie Mathison (troublante Claire Danes) n'a pas vraiment d'équivalent aussi puissant dans Les prisonniers. En fait, le personnage pugnace et entêté de la version israélienne est le psychiatre Haim Cohen, qui interroge longuement les deux soldats (Nimrod et Uri) après leur remise en liberté. Lui aussi détecte quelque chose d'anormal et traque la moindre contradiction dans chacun de leurs témoignages. Quels secrets ont-ils révélés à l'ennemi?

L'émission pilote de Homeland aurait coûté plus cher que les deux saisons complètes des Prisonniers. À choisir entre les deux, je préfère Homeland. Pour sa cadence rapide, son adrénaline en perfusion et sa maîtrise parfaite des codes du suspense. Si vous préférez les récits plus subtils, sophistiqués et nuancés, vous ne pouvez vous tromper avec Les prisonniers.