C'est un peu ça, ma vie. Je peux vous raconter en détail la finale de Yamaska, qui a été rythmée par la chanson Doux de Marjo, mais j'ai raté le début de la deuxième saison de Girls, que Super Écran diffuse les dimanches à 23h depuis la fin du mois de mai.

J'ai donc entamé le rattrapage de ce produit vedette de HBO et, vraiment, cette comédie graveleuse déclenche encore cet étrange phénomène masochiste: on prend un malin plaisir à détester et à excuser ces quatre filles égocentriques, paresseuses et narcissiques, qui blâment tout le monde - sauf elles-mêmes, bien sûr - pour leurs malheurs en série.

Le regard que l'actrice, scénariste et réalisatrice Lena Dunham, 27 ans, porte sur ses pairs est fascinant. Il n'y a aucune complaisance dans son écriture. Lena Dunham, qui incarne l'antihéroïne Hannah Horvath, catapulte à l'écran des personnages hyper énervants qui se cherchent et pour qui l'amitié s'efface aussi rapidement qu'un statut Facebook publié en état d'ébriété.

C'est ce qui fait le charme de Girls: cet aspect réaliste et très cru. Dunham ne prétend pas dresser le portrait de sa génération, soit les Y les plus jeunes. Elle parle d'une infime frange de ce groupe, les hipsters de Brooklyn en quête d'eux-mêmes, et elle le fait extrêmement bien.

Cette cohorte des Y, que l'on retrouve en forte concentration dans le Mile End à Montréal, est peut-être démographiquement minuscule, mais elle occupe toutes les tribunes imaginables en s'exprimant toujours au «je», évidemment. Bref, un petit groupe de gens qui fait beaucoup de bruit, en ayant les yeux vissés sur leur nombril ou un iPhone.

Dans Girls, oui, la pauvreté est dépeinte comme chic et cool, mais le téléspectateur décode rapidement que cette pauvreté est commanditée par des parents aux chéquiers bien garnis. Comme le dit Hannah elle-même à propos de son look de friperie: «Ça coûte très cher d'avoir l'air aussi pauvre.»

Encore dans cette deuxième saison, les quatre jeunes femmes au centre de Girls (Hannah, Jessa, Shoshanna et Marnie) multiplient les maladresses. Quand on constate qu'elles ont enfin fait un pas en avant, elles reculent à la case départ dans la scène suivante. Mieux structurés, les épisodes sont toujours truffés de malaises, le genre de malaise qui fait rire ou grincer des dents.

Cet équilibre entre les éléments dramatiques et les bouts plus comiques est difficile à maintenir et Girls continue d'être un funambule super divertissant.

Et malgré tous leurs défauts, je les trouve attachantes, les vingtenaires de Girls. J'aime que ce soit la belle fille parfaite (Marnie) qui en arrache le plus dans le quatuor. J'aime que Hannah souffre d'une sorte d'égoïsme aveuglant qui lui fait dire les pires atrocités aux gens qu'elle aime. J'aime l'intelligence robotique de Shoshanna et son côté fleur bleue, qu'elle assume pleinement. En fait, il n'y a que Jessa, la fausse hippie, qui me tape royalement sur les nerfs. Quel personnage irritant.

À chacun des épisodes, on se demande dans quel pétrin amoureux s'enfonceront les quatre «amies». La relation entre Hannah et Adam (un des personnages masculins les mieux forgés de Girls) bat, quelle surprise, de l'aile. Hannah, qui a tendance à suranalyser le moindre détail insignifiant de sa vie, fréquente maintenant un Noir républicain. Imaginez maintenant comment elle vivra cette relation interraciale.

Au troisième épisode, Hannah, convaincue que l'univers s'intéresse au moindre de ses états d'âme, se lancera dans un projet de journalisme gonzo impliquant plusieurs sachets de cocaïne. Vous vous doutez que ça ne finira pas bien.

Le personnage d'Elijah, l'ancien amoureux de Hannah qui a longtemps refoulé son homosexualité, est au coeur de plusieurs intrigues dans ce deuxième tour de piste de Girls et remplace, en quelque sorte, Jessa, qui est pratiquement absente des trois premières demi-heures. Ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre.

Amour-haine, c'est un peu ce qui résume le mieux Girls. Des fois, on a le goût de hurler à Hannah d'arrêter de parler autant et de cesser de se plaindre. Quelle enfant gâtée. Puis, la seconde suivante, on la prend quand même en pitié. Et on aurait le goût d'aller manger de la crème fouettée avec elle dans son appartement un peu tout croche de Greenpoint.