Les cinq dragons de Radio-Canada sont plus doux et moins écailleux que ceux de la version de la CBC. Mais ça ne signifie pas pour autant qu'ils nous gazeront pendant les huit prochaines semaines. Au contraire.

Le premier épisode de Dans l'oeil du dragon, malgré quelques lacunes dans l'explication claire des règlements de l'émission, renferme un mélange bien équilibré de suspense, d'éléments comiques et de commentaires très francs des dragons, sans complaisance ni méchanceté inutiles. Vous verrez tout ça lundi à 20h sur les ondes de la SRC. Paul Houde en assure l'animation. C'est très bon.

Le dragon qui ressort le plus du lot, c'est en fait la seule dragonne, soit Danièle Henkel, qui gère une entreprise de soins médico-esthétiques. Elle est juste assez sévère, très empathique, jamais téteuse. Une femme d'affaires inspirante. Clairement, Danièle Henkel vole la vedette à ses camarades du sexe opposé et fait de la bonne télévision.

Vous reconnaîtrez aussi dans les cinq dragons Normand Legault, ex-promoteur du Grand Prix du Canada de Formule 1, et Gaétan Frigon, ex-président de la SAQ et de Loto-Québec. Dans la première émission, Normand Legault, plus discret et effacé, laisse le plancher à ses collègues. Gaétan Frigon montre son côté plus comique.

Les deux derniers dragons s'appellent François Lambert et Dany Vachon. Fondateur des compagnies de télécommunication Aheeva et Atelka, François Lambert n'est pas inconnu du public puisqu'il a participé (deux fois) à Un souper presque parfait de la chaîne V. Quant à Dany Vachon, ancien chanteur et guitariste, il a goûté au succès financier en lançant des firmes de consultation en immobilier et en distribution de produits.

Alors, comment ça fonctionne Dans l'oeil du dragon? Toutes les semaines, des entrepreneurs tentent de convaincre les cinq dragons d'investir du «vrai argent» dans leur compagnie. Par exemple, les deux premiers braves à défiler devant les dragons dirigent Cartouches certifiées, une PME qui recycle et commercialise des contenants d'encres plus écolos pour les imprimantes d'ordinateurs. Ils ne disposent que de quelques minutes pour faire bonne impression, comme dans une session de speed dating.

Ici, une mise au point sur les règles de Dans l'oeil du dragon s'impose. Les entrepreneurs fixent eux-mêmes le montant qu'ils souhaitent obtenir des dragons en échange du pourcentage de leur compagnie qu'ils céderont. Du genre: je voudrais 150 000$ contre 20% de parts de mon entreprise. Il est interdit aux dragons d'offrir un montant inférieur à celui fixé au départ par les candidats. Par contre, le pourcentage d'actionnariat, qui, lui, est malléable, sert de levier de négociation.

Cette mécanique est expliquée trop rapidement dans la première heure. Pourtant, c'est essentiel dans la compréhension du déroulement de Dans l'oeil du dragon. Après le visionnement de presse d'hier matin, Radio-Canada et les producteurs de Cité-Amérique ont retouché le premier bloc de l'émission, qui se terminait une patte en l'air. Qui a dit que les critiques ne servaient à rien?

Sinon, le premier épisode renferme de beaux cas. Celui de Katy St-Laurent, ex-cycliste professionnelle, est le plus émouvant. La jeune mère de famille et son conjoint supplient quasiment les dragons de financer leur compagnie de vêtements de sport «funky» pour femmes. Réussiront-ils à arracher les 60 000$ demandés?

Un Montréalais tentera aussi de vendre son appareil d'exercice quatre en un. Le problème? Le prototype est tellement mal construit qu'il manque de s'écrouler. Voilà un inventeur mal préparé qui sentira le souffle chaud et sec des dragons. Suivant!

Également au menu: un créateur de parc thématique médiéval (ouf!), un concepteur de tee à golf en forme de volant de badminton, une entreprise de cartes de souhaits virtuelles et musicales, ainsi qu'une sorte de Segway, mais pour patineurs à roulettes.

Les interactions entre les cinq dragons procurent la majeure partie du divertissement. Parfois, ils forment des alliances pour amortir les risques. Souvent, ils entrent en compétition les uns contre les autres quand ils reniflent la bonne affaire. Et là, ça se corse joyeusement.

Contrairement à leurs collègues de Dragon's Den, les dragons québécois évitent de trop humilier les participants. Pas sûr qu'une émission trop revêche et abrasive aurait bien été acceptée par les téléspectateurs.

Chacun des dragons investit de son propre argent dans l'émission. À la fin des huit épisodes de cette première saison, ils auront injecté un total de deux millions dans des projets qu'ils espèrent lucratifs à court ou moyen terme. Sans vouloir révéler de gros punch, les dragons ont été plutôt pingres dans le premier épisode.

La facture visuelle de l'émission évoque The Apprentice avec des plans d'hélicoptères et les cinq dragons, l'air conquérant, qui marchent d'un pas militaire sur le tarmac. Bémol sur le décor d'entrepôt désaffecté au look industriel, qui fait un peu artificiel. Ça paraît beaucoup trop que tout a été placé, étudié. À certains moments, on se croirait quasiment dans le garage de Jean-François Mercier, où ce n'est pas le même genre d'affaires qui s'y brassent, mettons.

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