C'est à cause d'elle si tous les admirateurs de Mad Men fredonnent Zou Bisou, Bisou depuis une semaine. Et c'est aussi à cause d'elle que 3,5 millions de téléspectateurs américains ont été exposés à l'un des sacres les plus communs au Québec: câlisse!

À l'autre bout du fil, la voix de Jessica Paré, 31 ans, qui a grandi dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, est flûtée et suave. L'entrevue alternera de l'anglais au français, selon les premiers mots qui lui viennent. «Mon français est meilleur quand j'ai pris deux vodkas. J'habite Los Angeles depuis huit ans et je n'ai pas beaucoup d'occasions de le pratiquer», rigole l'actrice, qui a notamment joué dans les films Stardom de Denys Arcand et Lost and Delirious de Léa Pool.

Jessica Paré a terminé tous les tournages de la cinquième saison de Mad Men il y a deux mois. Elle sait donc ce que deviendra le personnage d'origine montréalaise qu'elle incarne, soit la séduisante Megan Calvet, mais ne peut rien dévoiler des intrigues de la série culte.

Une chose est coulée dans le béton: elle ne sacrera plus dans les épisodes à venir. Et a-t-elle signé pour la sixième année? Impossible de lui soutirer la réponse.

Peu importe. Depuis le 25 mars, l'étoile de Jessica Paré brille encore plus fort à Hollywood. Lors du grand retour de Mad Men sur la chaîne AMC, après une longue pause de 17 mois, Megan Calvet (campée par Jessica Paré) avait préparé toute une surprise pour les 40 ans de son nouvel époux, le publicitaire Don Draper (Jon Hamm).

Devant collègues et amis, et vêtue d'une robe cocktail noire très sexy, Jessica Paré s'est déhanchée en chantant Zou Bisou, Bisou, un tube français datant du début des années 60 et popularisé, à l'époque, par Gillian Hills. Sophia Loren l'a aussi repris, en anglais, dans le film The Millionairess.

Tous les grands médias influents ont craqué pour Jessica Paré et son succès populaire rescapé de l'époque yé-yé: Vanity Fair, Entertainment Weekly, Los Angeles Times, The Wall Street Journal, USA Today, Time, nommez-les, ils ont tous été charmés par la comédienne montréalaise. Le New York Times a écrit que «l'interprétation mémorable par Jessica Paré de cette chanson populaire chargée d'érotisme l'a vissée dans la tête et les oreilles de plusieurs téléspectateurs».

Selon le Rolling Stone, Zou Bisou, Bisou a été le moment fort du début de cette cinquième saison de Mad Men. Le Daily Mail a même sacré Megan Calvet-Draper nouvelle icône de style.

Jessica Paré a évidemment été flattée. «Ça fait 14 ans que je travaille en télévision et en cinéma. C'est très gratifiant», dit-elle.

La fameuse scène de Zou Bisou, Bisou a nécessité trois jours de répétitions et de chorégraphies ainsi qu'une journée complète de tournage sur le plateau. Au petit écran, la scène a duré deux minutes et 20 secondes. «Ç'a été très intimidant de faire le numéro devant tous ces acteurs que je suivais et que j'admirais depuis quatre ans. Mon personnage était plutôt effacé depuis son arrivée. Et je ne suis pas une chanteuse ni une danseuse», se souvient Jessica Paré.

Le créateur de Mad Men, Matthew Weiner, aimait bien le côté enfantin de Zou Bisou, Bisou, qui prend une tout autre couleur quand une jolie femme la roucoule de façon suggestive. La pièce, qui dure à peine deux minutes, a été commercialisée le lendemain en version numérique et même en vinyle. Jessica Paré s'est ainsi hissée dans le top 50 des meilleurs ventes sur iTunes. Pas mal pour à peine deux heures d'enregistrement en studio.

«Cette chanson-là te reste dans la tête très longtemps. Le jour du tournage, tout le monde la chantait. Et elle représente bien l'époque de 1966, un an avant l'Expo de Montréal, lorsque la vague des films français était dans le vent», détaille Jessica Paré.

Revenons maintenant au fameux «câlisse». Premier truc: ce n'est pas Jessica Paré, mais bien un des producteurs de Mad Men, André Jacquemetton, originaire de Lyon, qui l'a intégré dans les dialogues. L'équipe de scénaristes de Mad Men compte une autre Montréalaise dans ses rangs, soit Dahvi Waller.

«J'ai trouvé ça pas mal cool. J'aime beaucoup que Megan soit Québécoise et qu'elle représente le Québec dans une série américaine. Le câlisse, j'ai trouvé ça très drôle», remarque-t-elle.

Une femme, même libérée, aurait-elle lâché un tel juron en 1966? «Je pense que oui. Megan est plus jeune et plus moderne que les autres femmes», rappelle Jessica Paré, qui a étudié à Villa-Maria et à Dawson.

Souvent, quand des personnages québécois apparaissent dans des émissions ou des films américains, ils parlent tout croche, un peu comme Julie Snyder qui interviewe Lionel Richie. Mais pas Megan Calvet, qui s'exprime sans accent francophone. Pourquoi? «Ce n'était pas un choix éditorial. Moi, je suis Québécoise et je parle comme ça. Matt Weiner (le grand patron de Mad Men) trouvait ça parfait», indique Jessica Paré.

Pour le moment, l'actrice montréalaise n'a pas de projet concret devant elle, autant à Hollywood qu'à Montréal. Au Québec, elle adorerait travailler avec Xavier Dolan, Denis Villeneuve, Jacob Tierney ou Jean-Marc Vallée. Les gars, qu'attendez-vous pour décrocher le téléphone? Allez.