Contrairement à la télé américaine, qui nous bombarde depuis des années de séries somptueuses comme Dynasty ou Dallas, dans lesquelles les personnages nagent dans le champagne et s'épongent ensuite avec des billets verts, le petit écran québécois a toujours été plus modeste dans la représentation des univers bourgeois.

Quelques-uns des plus grands succès de l'histoire de notre télévision tels Le temps d'une paix, La famille Plouffe, Les filles de Caleb et même La petite vie se déroulaient dans des milieux très modestes, humbles, voire pauvres. Même chose pour Les Bougon ou L'héritage: on ne peut pas dire que leurs protagonistes picoraient du caviar et trinquaient à la Veuve Clicquot.

Les héroïnes de nos soirées télé ont souvent été femmes de ménage (Marilyn), enseignantes (Virginie), il n'y aucun mal là-dedans, mais rarement PDG d'une entreprise ayant des ramifications partout sur la planète.

L'arrivée du téléroman O' sur les ondes de TVA cet hiver a marqué un changement très intéressant à ce sujet: se pourrait-il que notre rapport avec les personnages fortunés à la télévision ait changé dans les dernières années? Le syndrome Séraphin Poudrier s'estomperait-il graduellement?

Car faire de l'argent, dans l'esprit de bien des gens, a toujours été suspect et mal vu. Comme si s'enrichir était toujours associé à appauvrir quelqu'un d'autre, ce qui heurte la bonne vieille mentalité judéo-chrétienne québécoise («Heureux les pauvres, car le royaume de cieux est à eux»).

Dans le téléroman O', la famille O'Hara fait clairement partie du 1% qui a initié l'automne dernier les indignés au camping urbain. Les O'Hara sont tous, sans exception, pleins aux as, beaux et bilingues, un autre point sensible qui pourrait faire l'objet d'une série complète de chroniques.

Uniquement dans l'épisode de mardi, Louisa (Marilyse Bourke) s'est procuré une montre Birks en ligne, Charles (Stéphane Demers) a dilapidé des milliers de dollars sur un site de poker et tout le clan O'Hara s'est bourré de homard frais, arrosé de vin ne provenant pas du Couche-Tard du coin.

L'immense manoir de Jacqueline et Samuel pourrait aussi héberger la classe de Monsieur Lazhar au grand complet. Bref, Charles, Kathleen, Louisa, Philippe et Gloria O'Hara ont tout pour que personne ne les prenne en pitié.

D'où une certaine forme de danger. En télé, si le téléspectateur ne se reconnaît pas dans l'univers dépeint ou s'il ne s'attache pas aux personnages trop éloignés de son propre environnement, bonne chance pour la survie de cette série.

Au lieu d'en faire le point central, les auteurs de O' ont eu l'intelligence de se servir de la richesse des O'Hara comme toile de fond, sur laquelle ils ont déposé des histoires pouvant affecter autant l'homme cassé que le milliardaire. Par exemple, oui, Charles conduit une voiture de luxe, mais il souffre d'alcoolisme et de dépendance au jeu. La petite Ann O'Hara, la fille de Philippe et Mina, est atteinte d'une maladie étrange, source de conflits pour ses parents.

Et il y a tout le mystère enveloppant Gloria (Geneviève Boivin-Roussy), la dernière du clan, la peintre rebelle, l'artiste incomprise. Quel personnage agaçant et détestable. Si ses parents lui coupaient les vivres, elle perdrait assez rapidement cette attitude d'adolescente attardée en crise perpétuelle.

Mais ne nous égarons pas trop. Gloria a été positionnée au centre d'un manège étourdissant: qui est son véritable père? Cela ne semble pas être Samuel (Guy Nadon), mais plutôt son frère Robert (Michel Daigle), qui aurait eu une aventure avec Jacqueline (Marie Tifo).

Par le passé, le personnage au compte bancaire bien garni d'une télésérie a régulièrement été le méchant de service, celui qui abusait de son pouvoir. Pensez à Séraphin - le classique - qui maltraitait la pauvre Donalda. O' apporte beaucoup de nuances à cet archétype et jette un regard frais sur la bourgeoisie. Samuel O'Hara n'est pas froid, calculateur et distant. Il a plutôt un grand coeur, de bonnes valeurs et il adore ses enfants.

Ce serait trop facile de détester les O'Hara et d'envier tout ce qu'ils possèdent. Au fond, leurs tracas, autres que financiers, ressemblent pas mal aux nôtres. Comme le disait la critique Mary Colum dans un échange devenu célèbre avec l'écrivain Ernest Hemingway: «La seule différence entre les riches et les autres, c'est que les riches ont plus d'argent.» Bien dit, non?

Je lévite

Avec la série documentaire Une rue autour du monde sur Michel Tremblay. On croyait tout savoir de la vie et de l'oeuvre du célèbre dramaturge québécois. Que non. Pendant cinq heures à la Première chaîne (95,1 FM), le réalisateur Jacques Bouchard a dressé un portrait intime et touchant du créateur des Belles-soeurs grâce à un habile entrelacement d'archives et d'entrevues récentes. De la radio de qualité supérieure.

Je l'évite

La pub de Cottonelle nous invitant à respecter nos rouleaux de papier de toilette. Respecter nos aînés, oui. Respecter les limites de vitesse, bien sûr. Mais respecter du papier cul en le confinant dans un couvre-rouleau? Allez, ce n'est pas sérieux tout ça. C'est une blague, c'est un sketch des Appendices? Malheureusement, non. C'est une vraie pub, qui donne mauvaise réputation à toute l'industrie, hélas!