Commençons avec le positif: la fête d'hier soir a pas mal plus levé que celle de l'an passé et Louis-José Houde a affiché une forme olympique à la barre du gala de l'ADISQ pour une sixième année d'affilée. Pas d'essoufflement en vue pour lui. Et pas de redite non plus.

Pour le reste, les 12 prix ont été dispersés un peu partout dans la salle, certaines performances, dont celle d'Éric Lapointe, ont été couci-couça et l'hommage à Gilles Vigneault a dégagé une forte odeur d'improvisation.

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Cette 33e célébration de la musique québécoise a démarré rondement. Misteur Valaire a joliment brisé la glace, suivi de Radio Radio et du rappeur Samian. Choix audacieux et très payant, qui a insufflé beaucoup de jeunesse aux premières minutes de cette soirée. Probablement que les auditeurs plus âgés ou ceux qui syntonisent Rouge FM et Rythme FM plutôt que CISM ont dû se gratter le coco: qui sont ces jeunes gens talentueux?

Ce numéro «collage» a véritablement levé avec l'entrée de Marie-Mai, particulièrement en beauté, qui a mêlé sa voix avec celle du musicien d'origine algonquine. Voilà le genre de croisement qui marque un gala: non seulement des artistes partagent le même espace physique, mais aussi leur musique, qu'ils s'échangent, un peu comme aux Grammys, où les duos improbables nous étonnent constamment.

Dans cet esprit, l'idée de réunir Martin Léon et Karkwa a également donné un moment intéressant, chauffé par des flammes virtuelles qui encerclaient les musiciens. À l'opposé, les cinq révélations de l'année, qui ont enfilé leurs ritournelles à la queue leu-leu, c'était un peu tiède. Heureusement que la finale chorale avec Alex Nevsky a fait briller plus fort ces étoiles montantes.

Le monologue d'ouverture de Louis-José Houde a frôlé la perfection: rigolo, punché et ultra efficace. Peut-être un peu longuet, mais on ne râlera pas trop. Parce que l'humoriste a porté cette émission à bout de bras pendant près de trois heures.

Toujours aussi chic, Louis-José Houde, un des meilleurs maîtres de cérémonie au Québec avec Véronique Cloutier, semblait s'amuser follement sur la scène du théâtre Saint-Denis en riant des chanteurs à foulard, en rouspétant contre les éditions «deluxe» des albums, en se moquant des DJ de stations FM de fin de soirée et en dénonçant - à la blague - le nombre incalculable de façons d'épeler le prénom Carolanne.

Plus tard, il en a rajouté sur le iPhone, les escarpins qui écorchent les pieds des starlettes et les rires corporatifs qui éclatent dans les partys. De très bons textes, livrés avec assurance.

Le fameux hommage, qui a été ressuscité après le dernier des derniers consacré à Céline Dion en 2008, a été rebaptisé «coup de chapeau» et dédié au grand Gilles Vigneault. Ce monument de la chanson québécoise, célébré une première fois par l'ADISQ en 1985, méritait toutefois un peu mieux que d'entendre une brochette d'artistes pourtant talentueux, comme Catherine Major, Louise Forestier, Robert Charlebois ou Richard Séguin, s'accrocher les pieds dans ses textes. C'était gênant et inélégant.

Mettons ça sur le dos de l'émotion et du stress, d'accord? Heureusement que l'introduction émouvante de Fred Pellerin, seul au micro, a sauvé l'entreprise du naufrage. Voilà une autre bonne raison de trouver une solution plus efficace afin de saluer nos pionniers dans les galas. Beaucoup de sensibilité et de finesse, par contre, avec André Gagnon et Isabelle Boulay dans le segment consacré aux disparus. Rien à redire.

Évidemment, la répartition des statuettes dorées, dont celles remises à Marc Dupré et Brigitte Boisjoli, a fait sursauter plusieurs téléspectateurs. Mais existe-t-il un seul gala sur la planète où personne ne rouspète le lendemain? Quand une industrie remet des prix, inévitablement, il y a des mécontents. Faut vivre avec.

Malgré leur appel public au boycott, ne votez pas pour nous! , les Cowboys fringants ont, malgré tout, été couronnés groupe de l'année, éclipsant Karkwa, Radio Radio et Les Trois Accords. Auraient-ils dû refuser leur Félix comme Céline Dion en 1990? Ç'aurait été logique. Leurs remerciements ont été décousus et n'ont pas le moindrement effleuré la controverse qu'ils ont eux-mêmes fabriquée. Et, dites moi, à quoi ça sert de vomir sur Avril Lavigne comme ça?

À l'autre bout du spectre, c'est toujours agréable de voir des artistes franchement heureux et émus de serrer leur Félix comme Marie-Mai, Brigitte Boisjoli, Vincent Vallières (très touchant), Ginette Reno, Marc Dupré ou Fred Pellerin, dont les yeux brillaient de fierté. On les aime encore plus dans ce temps-là.

Les remerciements chantés de Douze hommes rapaillés, pour l'album folk de l'année, ont été les plus originaux du gala. Superbe idée. Et belle trouvaille.

Pas vraiment de surprise dans la victoire d'Arcade Fire comme artiste s'étant le plus illustré à l'étranger. La moitié du band était là, la moitié inconnue cependant. Où se cachaient Win Butler et la Montréalaise Régine Chassagne? Déception. Mais en même temps, si personne du groupe ne s'était pointé, nous aurions encore plus grimpé dans les rideaux.

En terminant, et on ne l'écrira jamais assez souvent, mais les artistes qui chiquent énergiquement de la gomme à la caméra, c'est tellement peu chic. Jetez ça à la poubelle, doux Jésus. Vos attachés de presse ne vous suivent pas avec un kleenex avant de vous visser à votre fauteuil?