Désolé pour Émilie, la grande négligée de la soirée (et de toute cette compétition culinaire), mais il y avait deux clans bien distincts hier. Ceux - dont moi - qui appuyaient inconditionnellement Laurence-la-parfaite, malgré son air boudeur et ses remarques de Madame-je-sais-tout pendant les duels. Et tous les autres qui soutenaient Guillaume-le-technicien, qui a rarement, sinon jamais, raté ses recettes. Deux styles en cuisine complètement différents. Elle était très sûre d'elle, à la limite arrogante, parfois éparpillée, tandis que lui était plus lisse, plus tranquille, plus en contrôle.

Après 11 semaines d'intense cuisson sous vide, Guillaume St-Pierre, 26 ans, a triomphé lors de la grande finale de la deuxième mouture de la téléréalité Les chefs!, qui a été présentée hier soir en direct sur les ondes de la SRC.

Guillaume St-Pierre, originaire de Québec, a ainsi empoché 50 000$ en récompenses diverses. Par contre, c'est Laurence Frenette, 21 ans, qui a raflé le prix du public, ce qui lui a valu un rutilant Thermomix, instrument de cuisine de près de 2000$ faisant à peu près tout sauf nettoyer les dégâts.

À l'annonce des résultats, vers 21h26, Guillaume St-Pierre a souri abondamment et déclaré: «On va aller boire du champagne.» Quelques minutes plus tard, en entrevue à La Presse, il n'y croyait pas encore. «Il y a beaucoup de pression qui descend», souffle-t-il.

Questions pour un champion, maintenant. Comment Guillaume a-t-il réglé son problème d'assaisonnement? «J'ai écouté les juges et j'ai commencé à goûter un peu plus», note-t-il. La plus importante leçon apprise pendant les tournages? «S'organiser pour arriver dans le temps requis», répond Guillaume. Et un Thermomix, c'est vraiment un outil magique? «Moi, ce n'est pas quelque chose que j'affectionne tant que ça. Mais oui, c'est très pratique, tu peux t'en servir pour faire plein de choses», remarque-t-il.

Guillaume St-Pierre et le vainqueur de l'an dernier, Guillaume Cantin, sont de très bons amis. Ils ont bossé ensemble au restaurant Panache de l'auberge Saint-Antoine, dans le Vieux-Québec. Guillaume St-Pierre y travaille toujours comme sous-chef. Alors, Panache, Guillaume et Québec, faut-il y voir une liste d'ingrédients miraculeux?

«Non, gagner Les chefs!, ce n'est pas une question de nom ni de calotte», observe Guillaume St-Pierre.

Cette finale des Chefs!, où le dernier défi consistait à concocter un repas gastronomique de trois services sans panne d'électricité ni aliment vedette à intégrer, a été stimulante et relevée. À l'image de toute la saison, d'ailleurs. En une heure et demie, seul Guillaume n'a pas gaffé.

Le toupet de Laurence a flambé, Émilie a fait carboniser ses tuiles, Laurence a oublié de retirer les étiquettes sur ses pêches avant de les trancher et Émilie a même ouvert une boîte de conserve (sacrilège!) de litchis, ce qui a déplu aux quatre juges.

Par ailleurs, l'ajout de cette quatrième juge, Marie-Chantal Lepage, chef du Château Bonne Entente de Québec, a rehaussé le côté piquant de l'émission et apporté un bon complément au trio principal, formé par Jean-Luc Boulay, Pasquale Vari et Normand Laprise.

Dès les premières minutes, il était évident qu'Émilie ne triompherait pas. Son entrée pseudo asiatique et son granité trop sucré n'ont pas épaté M. Boulay. Son plat principal, noyé dans le sucre, a été torpillé par le quatuor. Sa toque venait d'être officiellement jetée aux poubelles.

Après la présentation des desserts, il était impossible de déterminer le nom du meilleur chef. Le suspense a donc duré jusqu'à la toute fin. Plus constant, plus expérimenté, Guillaume n'a pas volé sa victoire. Il a effectué un parcours sans éclaboussure, fidèle à sa réputation de perfectionniste.

Après un départ canon, Laurence s'est embrouillée, a cafouillé, avant de repartir en lionne. Ses gaffes de mi-saison l'ont handicapée. De son côté, Émilie a pataugé dans l'eau bouillante dès le début, se retrouvant au duel deux fois. Lentement, elle a repris de la confiance pour atteindre le même niveau que ses camarades de brigade. Trop peu, trop tard.

Un point à améliorer l'an prochain: la réalisation de ce gala supposément glamour. Honnêtement, le décor en carton, la scène trop petite et les juges plantés derrière un comptoir ne rendaient pas justice à cet événement. Les animateurs criaient dans leurs micros. Et les prises de vue à l'Impérial de Québec nous donnaient l'impression d'assister à un gala de mérite sportif d'une association collégiale en région.

En terminant,si vous cherchez une bonne table à Québec, voici les recommandations de Guillaume St-Pierre: le Panache, bien sûr, mais aussi le Laurie Raphaël (de Daniel Vézina), le Saint-Amour (de Jean-Luc Boulay), le Moine échanson et le Clocher penché. Aspirants chefs, prenez des notes.