Le soap, dans sa forme la plus traditionnelle, se meurt. Mais sa recette sulfureuse, son glam artificiel et ses intrigues tordues se portent très bien, merci.

Rares sont les téléspectateurs et téléspectatrices qui disposent de plusieurs heures par semaine pour suivre autant de changements de sexe ou de comas artificiels, tout en s'occupant des enfants et en menant une carrière de front. Et les télédiffuseurs l'ont bien compris: pourquoi s'astreindre à suivre une histoire diluée sur cinq après-midi quand on peut en consommer un concentré extra-fort d'une heure, une fois par semaine?

Tranquillement, les grands réseaux ont extirpé l'opéra-savon de ses décors en carton et l'ont implanté dans les grilles de soirée avec des budgets plus alléchants. Rappelez-vous Dallas et Dynasty. Il s'agissait de feuilletons savonneux à grand déploiement, où des personnages ressuscitaient miraculeusement comme Bobby Ewing dans sa douche.

En 2006, le réseau ABC a même acheté une telenovela colombienne, Yo soy Betty, la fea, l'a gonflée aux stéroïdes et cette petite femme laide est devenue l'attachante Ugly Betty, un gros succès en heure de grande écoute. Aujourd'hui, les soaps revampés s'appellent Beautés désespérées ou Providence. Essayez de reconstruire l'arbre généalogique d'Édith Beauchamp et Laurent Lavoie sans vous tromper. Un casse-tête impossible tellement les histoires de coeur mélangent toutes les branches.

Le soap, ce n'est pas péjoratif comme étiquette, au contraire. Les auteurs de ces feuilletons nouveau genre réussissent là ou bien des scénaristes de séries dramatiques à gros budget ou de comédies intelligentes échouent lamentablement: ils sont extrêmement regardés. Et ils accrochent leurs fidèles du premier coup.

Bref, ces auteurs savent nous raconter des histoires un peu farfelues qui nous extirpent de notre train-train quotidien. Quoi de mieux que de l'adultère, un complot, une trahison ou une fille illégitime née au Costa Rica pour nous faire oublier - un peu - les impôts à payer ou une hypothèque écrasante?

Et il n'y a rien de plus rassurant que de s'attacher à une famille complètement dysfonctionnelle, comme dans Frères et soeurs, pour constater que la nôtre n'est pas si croche que ça, finalement.

N'allez pas croire que ce genre télévisuel n'intéresse que les habitants des Résidences Soleil. En fait, ce sont les jeunes, en se passionnant pour les docusoaps à la sauce téléréelle comme The Hills ou Laguna Beach, qui ont poursuivi la tradition établie par leurs mères et leurs grands-mères.

Gossip Girl incarne parfaitement la nouvelle génération de ces feuilletons-savon clinquants mettant en vedette des gens de la haute société toujours impeccablement coiffés, qui se poignardent dans le dos le temps de crier Jimmy Choo.

Dans Gossip Girl, le riche Nate Archibald a d'abord fréquenté l'ultrafriquée Blair Waldorf. Nate a ensuite trompé Blair avec sa meilleure amie, Serena Van Der Woodsen. Serena a ensuite abouti dans les bras de Dan Humphrey, qui est plus tard devenu son demi-frère par alliance quand leurs parents, Lily et Rufus, se sont mariés.

Lily, qui a enfilé les mariages compliqués, a aussi adopté Chuck Bass, le petit ami de Blair. Chuck a ensuite couché avec Jenny Humphrey, la petite soeur de Dan, qui est aussi sa demi-soeur en raison des épousailles de sa mère adoptive. Vous suivez toujours?

Comme vous voyez, les rebondissements à la Days of our Lives ne sont plus confinés entre 14h et 17h, du lundi au vendredi.

Le soap est mort. Vive le soap!