La catastrophe a été évitée: aucune équipe n'a massacré l'autre hier soir, aucun joueur n'a trébuché sur le tapis rouge et Michel Bergeron a volé la vedette à Badaboum, à l'organiste du Colisée et même au trompettiste Claude Scott, qui a égayé - par le passé - de nombreux matches des (feu) Nordiques.

Les deux premières périodes ont été longues, mais la fin de la partie, disputée devant 15 000 fans bruyants entassés au Colisée de Québec, a racheté le restant de la soirée. Imaginez: le but gagnant de Montréal a été compté par Sabrina Harbec, ce qui a fait hurler Pierre Rinfret comme s'il venait d'ouvrir une valise surprise au Banquier. Du calme, les amis. Cette rivalité, elle naîtra au fil des semaines, pas besoin de nous l'imposer aussi brutalement. Évidemment, Harbec a été sacrée joueuse du match pour la formation montréalaise. Bien mérité.

Et le calibre de l'affrontement? Pas terrible, mais pas exécrable non plus. Plusieurs jeux ont avorté en raison de grosses bourdes de part et d'autre, ce qui frustrera sans doute bien des fans. Si la soirée a connu quelques revirements excitants (pour ceux qui n'ont pas zappé à Tout le monde en parle ou aux Grammys), ce n'est pas en raison d'échappées spectaculaires ou d'actes de virtuosité, mais bien grâce à tout le spectacle, tout le showbiz qui se greffent à cette série Montréal-Québec.

Oui, c'est une très bonne idée de placer des caméras dans les vestiaires. Mais hier, il n'y avait pas tellement d'ambiance ou de fébrilité à capter. Et il faudra faire une croix sur le mythe que tous les coaches parlent à leurs ouailles comme les enflammés Jacques Mercier ou Marc Gagnon dans Lance et compte. Visiblement, Guy Carbonneau aurait besoin d'une forte injection de Gatorade.

Après la première période, et sur un ton monocorde, Carbo a fouetté ses troupes avec un chapelet de clichés du genre: «On fait travailler la rondelle». Ça ne fait pas de la bonne télévision. Puis, un joueur inconnu (un parmi tant d'autres, hélas!) a crié: «La glace est brisée buddy, on vient de jouer». Puis, la pause publicitaire l'a coupé. Ah bon.

Heureusement, le coloré Bergie est beaucoup plus à l'aise, plus engagé émotivement et plus spontané. Il devra par contre mettre la pédale douce sur les termes en anglais comme «on lance au net, shoot the puck low, pace the play, short shift, starting line-up». Ce n'est pas la fin du monde, on s'entend là-dessus, mais sur les ondes d'un grand réseau, ça égratigne un brin les tympans.

C'est ce même bouillant Bergie qui, après un but refusé à Québec à mi-chemin dans la deuxième période, a pété les plombs en invectivant l'arbitre en chef Ron Fournier: maudit pourri de câlisse, a-t-on entendu bien clairement dans nos salons.

«On peut dire que la série est vraiment lancée», a ensuite commenté Yvon Pedneault. On se demandait si les entraîneurs et les arbitres allaient se censurer avec leurs micros allumés en permanence. On a rapidement eu notre réponse. À la fin du troisième tiers, Bergie a de nouveau explosé au visage de Ron Fournier: «Je le savais, je le savais, maudit showman de câlisse». Une mauvaise punition de David Lessard et voilà le résultat.

Pierre Rinfret et Yvon Pedneault se complètent bien sur la passerelle. Par contre, Rinfret en a un peu trop beurré par rapport au niveau de jeu sur la glace. Pendant les pauses, Julie Snyder et Stéphane Laporte ont tenu leur promesse: il n'y a que des succès francophones qui ont résonné dans l'amphithéâtre, dont Grand champion des Trois Accords, J'lâche pas de Corbeau et Je suis cool de Gilles Valiquette.

Côté réalisation, rien à reprocher. Du point de vue de l'image, ce premier match d'une série de huit ressemblait à n'importe lequel diffusé sur les ondes de RDS ou TSN. Belle utilisation également de la reprise vidéo. Et bonne idée d'afficher à l'écran les paroles de l'hymne de Québec chanté par Loco Locass.

Encore hier, on a très peu vu l'animatrice de la série Marie-Claude Savard, à part pendant son entrevue avec Michel Goulet. L'émission a pris fin sur une note sèche. Dans les gradins, Pierre-Yves Lord a discuté avec le ministre de la Santé Yves Bolduc, qui a promis de pousser le dossier de la résurrection des Nordiques.

La question demeure cependant: est-ce que les histoires personnelles des joueurs, les caméras dans les vestiaires, les micros des coachs et tout seront suffisants pour nous garder à l'antenne jusqu'à la fin? Ce n'est pas toujours évident de se passionner pour un match où s'exécutent une bande d'inconnus que l'on arrive difficilement à départager. Dans mon livre à moi, rien ne bat encore les bons vieux duels Canadien-Nordiques. On s'ennuie des frères Stastny! Et de Dale Hunter aussi.

 

Photo: fournie par TVA

Le calibre de l'affrontement? Pas terrible, mais pas exécrable non plus.