Lorsque Pierre Gauthier a hérité du job de directeur général des Sénateurs d'Ottawa le 11 décembre 1995, il a mis de côté le présent pour s'occuper du futur.

Gauthier a donc laissé Dave Allison, un semblant d'entraîneur-chef venu en relève à Rick Bowness et Alain Vigneault 20 jours plus tôt, s'enliser dans la médiocrité pendant qu'il sillonnait la LNH à la recherche de joueurs susceptibles de relancer le club moribond dont il venait d'hériter. Il cherchait aussi un entraîneur-chef capable de les diriger.

Tout juste un mois plus tard, Gauthier procédait à un grand chambardement. Dans le cadre d'une transaction à trois clubs avec les Maple Leafs de Toronto et les Islanders de New York, Gauthier mettait la main sur l'excellent défenseur Wade Redden et le gardien Damian Rhodes. Au cours de la nuit, Gauthier embauchait, dans un hôtel de Toronto, Jacques Martin qui dirigeait, le soir même à Ottawa, les Sénateurs face aux Penguins de Pittsburgh.

Pourquoi je vous raconte cette histoire?

Parce que Geoff Molson doit se transformer en Pierre Gauthier. Ou à peu près!

Il doit oublier les affaires courantes de son équipe et préparer l'avenir. Pas l'avenir sur la patinoire ou derrière le banc. Non! L'avenir au septième étage du Centre Bell. Là où les décisions les plus importantes se prennent.

Un S.O.S. à Serge Savard

Avant de partir à la recherche de celui qui remplacera Pierre Gauthier dès que le moment sera venu - et le plus tôt sera le mieux -, Geoff Molson devra remercier Bob Gainey et le remplacer par un conseiller mieux avisé. Un conseiller qui aurait imposé son veto au lieu d'entériner bêtement le chambardement aussi mal ficelé que celui effectué samedi dernier.

Ce nouveau conseiller a un nom. Un gros nom. Un nom respecté. Ce nom est Serge Savard. Avec l'expérience apaisante qui le caractérise, le Sénateur, par sa seule présence, redonnerait crédibilité et prestance à la haute direction du Tricolore. Deux qualités qui font actuellement cruellement défaut.

De Savard à Damphousse

Une fois Serge Savard de retour au sein d'une organisation dont il n'aurait jamais dû être chassé, sa première tâche serait de nommer le directeur général.

Plusieurs noms sont en lice.

Ancien adjoint de Bob Gainey d'abord et de Pierre Gauthier ensuite, le Québécois Julien Brisebois épaule Steve Yzerman à Tampa Bay. Compétent, rusé et respecté bien qu'effacé, Brisebois héritera un jour d'un poste de directeur général. À Montréal, ou ailleurs... Mais pour le déloger du nord de la Floride...

Photo: archives La Presse

Serge Savard n'aurait jamais dû être chassé du Canadien.

Ancien capitaine du Canadien, Vincent Damphousse doit occuper une place de choix dans cette liste de candidats potentiels. De fait, il occupe le premier rang dans la mienne.

La candidature du dernier gros joueur de centre à avoir endossé l'uniforme tricolore n'est pas que théorique. Croisé sur le plateau de L'Antichambre plus tôt cette semaine, Damphousse a confirmé que le job de directeur général l'intéressait. Beaucoup.

Vincent Damphousse a toutes les qualifications requises.

Ancienne vedette de la LNH qui a disputé 519 de ses 1378 matchs avec le Canadien, Damphousse saurait facilement sélectionner le bon grain au lieu de se contenter de l'ivraie.

Homme d'affaires avisé, il saurait aussi jongler avec les salaires sans les échapper. Son expérience de hockeyeur et sa facilité avec les chiffres lui permettraient d'ailleurs d'éviter d'être aveuglé par la valeur comptable des joueurs afin de déterminer leur valeur réelle une fois sur la glace et au vestiaire.

Acteur de premier plan dans les négociations difficiles de la dernière convention collective, Damphousse patine avec autant d'aisance entre les articles de cette convention qu'il le faisait sur les patinoires de la LNH, où il a marqué 432 buts et amassé 1205 points en 18 ans de carrière.

Une ombre au tableau: il est impliqué dans un divorce complexe et très médiatisé qui a des répercussions en Cour criminelle.

Un deuxième Yzerman

Autre handicap: Vincent Damphousse n'a aucune expérience à titre de directeur général, c'est un fait. Mais son implication au sein de l'association des joueurs le place devant Steve Yzerman lorsqu'il a quitté Ken Holland et les Red Wings de Detroit pour voler de ses propres ailes à Tampa Bay.

Francophone, ancien capitaine, ancien joueur respecté sur la patinoire et en dehors, Vincent Damphousse se dresse dans la lignée de Serge Savard, le dernier directeur général à avoir conduit le Tricolore à la coupe Stanley en 1993. Une coupe qui a défilé dans les rues de Montréal au terme de la première saison de Damphousse avec le Canadien après qu'il eut été obtenu des Oilers d'Edmonton par... Serge Savard.

Dans tout le débat relié à la nomination de Randy Cunneyworth, Vincent Damphousse a patiné à contre-courant en soulignant que le bilinguisme de l'entraîneur-chef n'était pas essentiel.

Il faut dire que l'un des candidats de Damphousse pour le poste est Kirk Muller. Mais voilà! Muller étant sous contrat pour quatre ans en Caroline, Damphousse devrait se tourner vers un autre candidat.

Patrick Roy? Un retour de Guy Carbonneau?

«J'ai joué avec les deux. J'ai gagné la coupe avec les deux. Les deux sont des amis. Ils ont tous les deux les qualités requises pour faire le travail», a simplement souligné Damphousse en affichant un brin de réserve dans ses commentaires. Car après tout, il n'a pas encore le job. Mais le Canadien devrait sérieusement y songer.

S'il se débarrasse de Bob Gainey et qu'il a la sagesse de s'offrir Serge Savard comme conseiller, Geoff Molson entendra certainement le Sénateur lui souffler le nom de Damphousse à l'oreille.

PhotoÙ: PC

Vincent Damphousse a toutes les qualifications requises pour être le prochain directeur général du Canadien.