Débarqué devant les directeurs généraux pour sa première évaluation à titre de préfet de discipline, Brendan Shanahan est reparti de Toronto avec un large sourire et une très bonne note sur son bulletin.

«Sensationnel!» a lancé George McPhee, des Capitals de Washington, lorsque La Presse lui a demandé son évaluation personnelle du vice-président responsable de la sécurité des joueurs.

Conséquence de la controverse entourant le dossier Lucic-Miller, on s'attendait pourtant à une évaluation beaucoup plus sévère. On s'attendait même à des critiques, voire des reproches, de la part de certains directeurs généraux outrés par une clémence béate affichée dans certains dossiers et une sévérité démesurée dans d'autres. Des habitués de ce genre de réunion évoquaient même la possibilité d'un peu de pagaille autour de la table.

Eh bien non!

La chemise et la cravate étroite que portait Shanahan sous son habit noir étaient bien pressées lorsqu'il s'est présenté devant les journalistes. Pas un cheveu déplacé. Et les seules blessures relevées sur son visage témoignaient de sa carrière de 21 saisons dans la LNH et non de bagarres rangées avec ses évaluateurs dans un coin noir de la salle de réunion.

Protection accrue des gardiens

Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu d'échanges musclés. Ça non! Bryan Murray (Ottawa) a vertement dénoncé la clémence affichée à l'endroit de Wojtek Wolski, des Rangers de New York, pour le coup à la tête asséné au capitaine des Sénateurs, Daniel Alfredsson. Darcy Regier (Buffalo) n'a pas été tendre dans son analyse de la décision de Shanahan de blanchir Milan Lucic pour sa mise en échec à l'endroit du gardien des Sabres, Ryan Miller samedi.

Mais Shanahan est sorti gagnant de ces débats.

Armé des bandes vidéo qu'il regarde, scrute et analyse avec son partenaire de travail, Rob Blakem, avant de prendre ses décisions, Shanahan les a expliquées. Il les a justifiées. Il a ensuite demandé aux DG de prendre leur propre décision. Les votes n'ont pas été unanimes, mais dans les dossiers de Lucic comme dans celui de Wolski, il semble bien qu'une majorité lui ait donné raison.

S'il est impossible pour Shanahan de faire l'unanimité, la baisse de 50% du nombre de commotions relevées l'an dernier à pareille date autour de la LNH tend à confirmer que son approche est la bonne.

«Il est trop tôt pour pavoiser. Mais les joueurs semblent avoir compris que nous sommes sérieux dans notre quête d'abolir les coups à la tête et les coups dangereux», a commenté Shanahan.

Et Ryan Miller?

«J'ai eu des échanges musclés avec Darcy (Regier) sur cette question. Je continue à croire que j'ai pris la bonne décision, même si les gardiens jouissent d'une protection accrue lorsqu'ils ont quitté leur zone protégée. Les joueurs qui décideront de forcer la note à l'endroit des gardiens réaliseront que ce serait une bien mauvaise stratégie», a prévenu le préfet de discipline.

Les directeurs généraux ont d'ailleurs quitté Toronto avec le mandat de s'assurer de faire comprendre à leurs joueurs que les gardiens ne sont pas des cibles sur lesquelles on peut faire feu. Ils pourront imposer une lecture de l'article 69 et de ses alinéas dans le livre des règlements.

On verra si le message passe.

De choses et d'autres...

Au-delà du dossier Lucic-Miller et de l'évaluation du travail de Brendan Shanahan, les directeurs généraux ont échangé sur le bien-fondé de modifier quelques règlements.

Les dégagements refusés sont du nombre des sujets abordés. C'est toutefois à la réunion du mois de mars que les changements seront proposés afin d'être débattus, au cours de l'été, avec les membres du comité d'amélioration du hockey et l'Association des joueurs.

De nouvelles pièces d'équipement, dont des épaulettes arborant une protection beaucoup plus souple, ont aussi été présentées. Elles pourraient éventuellement être imposées afin d'accroître la protection des joueurs.

Il a toutefois été très peu question de la défensive de zone adoptée par le Lightning de Tampa Bay et décriée par les Flyers de Philadelphie, qui ont simplement cessé de jouer lors du dernier duel entre les deux équipes à Tampa, mercredi dernier.

«Ce n'était pas très beau à voir, a convenu le DG du Canadien, Pierre Gauthier, en parlant de la réaction des joueurs des Flyers. Mais les équipes ont le droit d'adopter les stratégies défensives qu'elles veulent. Des stratégies qui changent plusieurs fois lors d'un match d'ailleurs. Et c'est à l'adversaire de les contrer.»

On est donc encore bien loin de l'abolition de la défensive de zone dans la LNH. Une stratégie que la NBA a adoptée au basketball afin d'accentuer le jeu offensif.

En passant, si les Flyers de Philadelphie ont décidé d'abdiquer la semaine dernière devant le piège tendu par Guy Boucher, les Jets de Winnipeg, qui forment une équipe bien moins redoutable à tous les niveaux que les Flyers, se sont permis un barrage de 39 tirs, lundi, dans leur victoire de 5-2 aux dépens du Lightning.

Si Winnipeg peut s'extirper de la trappe de Guy Boucher, il me semble que toutes les autres équipes devraient y arriver. Encore faut-il se donner la peine d'essayer!

Quant à la refonte des divisions et des associations, conséquence du retour des Jets à Winnipeg, le dossier a été balayé dans la cour des gouverneurs qui se réuniront les 5 et 6 décembre prochain à Pebble Beach en Californie.

Photo: AP

Milan Lucic n'a pas été suspendu pour avoir frappé le gardien Ryan Miller.