Le douanier était peu impressionné. «Vous allez couvrir... la tempête? Pourquoi pas le Superbowl? Vos patrons ne vous aiment pas?»

Une fois sur l'autoroute 89, le soleil était au zénith. L'asphalte était sec. J'ai donc syntonisé la radio pour confirmer l'importance du moment.

Une chaîne parlait de... ballons dégonflés. L'autre du match du Superbowl, une autre encore du sort qui attend le coach des Patriots.

Oh... Attendez. «L'effet des conditions climatiques... (j'ai monté le volume) a pu jouer sur l'état des ballons lors du match contre Indianapolis.»

Décidément, il n'y a pas que les ballons qui dégonflent. La tempête aussi.

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J'ai continué à rouler vers le sud. Et tranquillement, le ciel s'est bel et bien couvert. Les météorologues se sont faits plus dramatiques. Et au fur et à mesure que Boston approchait, la tempête faisait de même.

Vers le sud, l'autoroute devenait clairsemée, alors qu'en direction nord, le nombre de voitures ne cessait d'augmenter. Les Bostoniens étaient nombreux, hier, à quitter la ville pour rejoindre le chalet, la parenté, les amis.

«Major Storm Tuesday Limit Travel», pouvait-on lire sur les panneaux lumineux. «Stay Home», lançaient les gouverneurs des États touchés. Vous ne pourrez sortir, demain, qu'en cas d'urgence ou d'absolue nécessité. Les écoles seront fermées, les commerces aussi.

Je dépassais les camions d'Hydro-Québec par dizaines. Comme les monteurs, il fallait que j'arrive avant la neige.

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À Boston, même la ville donnait l'impression de se préparer au pire.

On annonçait plus de 90 centimètres de neige pour les prochains jours. Une anomalie pour une ville dont le record est de 70 centimètres.

Plusieurs avaient donc écourté leur journée de travail pour se préparer en après-midi, l'état d'urgence ayant été déclaré hier à midi. Dans les rares commerces ouverts, pas de foule, pas de panique. Mais un sentiment d'urgence.

Les passants à qui je tentais de parler n'en avaient pas le temps, pour la plupart. «Tout le monde nous dit de nous préparer au pire, a pris le temps de me dire Helen Cooper. On se prépare donc au pire. Mais c'est drôle, j'ai peur d'être déçue si la tempête n'est pas aussi importante qu'on le dit.»

À l'hôtel, ceux qui avaient réservé avaient choisi d'annuler, mais ceux qui devaient repartir avaient été forcés de rester. «On prend notre mal en patience, m'a expliqué Tom Evan, assis avec sa femme devant un téléviseur qui retransmettait la conférence de presse des Patriots. On n'a pas le choix, notre vol a été annulé. On se console en se disant qu'on va peut-être vivre un moment historique.»

Dans les rues, personne. Sinon quelques passants pressés. À 18h hier, une interdiction de se stationner prenait effet. Et à partir de minuit, l'interdiction était élargie à tous les déplacements motorisés non essentiels.

La rue Newbury, la plus belle artère commerciale de Boston, était déserte comme s'il était 4h du matin. Le centre-ville n'était pas tellement plus populaire, quelques bars et restaurants ayant décidé de fermer leurs portes. S'ils avaient pu les barricader, ils l'auraient probablement fait.

Boston, manifestement, est une ville portuaire plus qu'une ville nordique. Une ville d'eau plus que de neige.