Des dizaines et des dizaines d'agents sont restés les bras croisés durant le saccage de la salle du conseil municipal, lundi soir, dans ce qui ressemblait à s'y méprendre à un acte de complaisance qui n'a pas sa place dans une société de droit.

Une enquête a donc été lancée mardi. Une enquête sur le SPVM menée... par le SPVM! Une décision qui mine encore un peu plus une confiance déjà ébranlée.

Clairement, les forces de l'ordre ne saisissent pas à quel point les Montréalais sont troublés par le manque de professionnalisme et de neutralité dont ont semblé faire preuve les policiers, lundi. Et cela, peu importe ce qu'ils pensent du projet de loi sur les régimes de retraite.

Passe encore que les agents posent des autocollants sur leur voiture, mais qu'ils refusent d'intervenir lorsque la situation le commande revient à nier tout ce pour quoi ils sont censés travailler.

Ce n'est pas de l'angélisme de rappeler que la mission première d'un policier est de faire respecter la loi et l'ordre. Son code de déontologie stipule qu'il doit en tout temps se comporter de manière à préserver la confiance du public, à respecter l'autorité de la loi et à exercer ses fonctions «avec désintéressement et impartialité».

On peut donc se demander si un policier qui regarde ailleurs pendant qu'on commet un méfait à ses côtés demeure un policier. Si un gardien de la paix qui choisit de ne pas intervenir pour des raisons corporatistes est toujours un gardien de la paix.

Et si, par le fait même, un corps de police a l'autorité pour enquêter sur des manquements aux règles fondamentales de ce même corps de police.

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Certes, le chef du SPVM, Marc Parent, semble prendre la chose au sérieux. Il a concédé que les «incidents malheureux» de lundi ont pu «ébranler le sentiment de sécurité» des Montréalais. Il s'est dit «déçu» et «fâché», a reconnu qu'un doute a pu être soulevé quant à la capacité des policiers de servir avec professionnalisme et neutralité, de maintenir la paix et l'ordre «sans égard à leur opinion personnelle».

D'où sa décision de lancer une enquête sur le comportement des policiers en exercice lundi, comportement qui a affaibli l'autorité morale de l'ensemble du SPVM.

L'enquête s'imposait d'elle-même. Mais la confier au SPVM relève d'un flagrant manque de jugement de la part de Marc Parent, surtout à la lumière des propos du président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, qui soutient que c'est la haute direction qui n'a pas permis aux policiers d'intervenir.

Que les images et témoignages semblent contredire cette version des faits n'y change rien: ou bien la haute direction est à blâmer, auquel cas elle ne peut être juge et partie; ou bien ses subalternes sont à blâmer, ce qui remettrait en question l'autorité de cette même haute direction.

D'une façon ou d'une autre, l'enquête ne peut être menée par le SPVM.

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Vrai, Marc Parent a précisé mardi que l'enquête du SPVM n'excluait pas la tenue, par la suite, d'une enquête plus large, menée par la Sûreté du Québec par exemple. La première enquête pourrait donc en déclencher une autre.

Mais ce genre d'étapisme n'a rien de rassurant dans un contexte où la confiance du public est déjà ébranlée.

Les réactions mesurées du maire Coderre et du premier ministre Couillard à la décision de Marc Parent montrent bien que ce dernier conserve leur respect. Mais ce respect ne devrait pas les empêcher de lancer immédiatement une enquête véritablement indépendante.

Le chef de police lui-même, mardi, reconnaissait que les moyens de pression des dernières semaines, incluant ceux de lundi, étaient de nature à affaiblir l'autorité morale de la police, à miner le sentiment de sécurité des Montréalais, voire carrément leur sécurité.

Or, y a-t-il plus inquiétant pour un corps policier que de perdre son autorité et de laisser un sentiment d'insécurité s'insinuer?

On s'entend, il ne faut pas exagérer l'impact des événements de lundi soir. Les Montréalais n'ont pas l'impression que leur ville est sur le bord de l'anarchie ou que la police les a laissé tomber.

Mais dans un contexte où le cynisme augmente, où les institutions n'ont pas la cote, où la confiance envers les autorités est déjà vacillante, une organisation de l'importance du service de police ne peut se permettre d'enquêter sur elle-même. Surtout quand son indépendance et sa capacité de s'autodiscipliner furent si souvent remises en question dans le passé.

Il est facile de perdre la confiance du public, mais il est bien difficile de la regagner.