Ils ne le crieront pas sur tous les toits, mais les caquistes profitent largement de la croissance économique et des efforts douloureux de leurs prédécesseurs libéraux. Soyons tout de même bon joueur : ce budget constitue une bouffée d'air frais.

En quoi ? Oui, les baisses de taxes. Oui, l'ajout de fonds en éducation. Oui, la majoration de certaines enveloppes en santé. Mais surtout, ce premier budget caquiste donne au Québec une mission économique claire : rattraper l'Ontario.

Car pour ceux qui ne le sauraient pas encore, le Québec maintient un écart de richesse important avec son voisin, dont l'économie est semblable. En 2017, le produit intérieur brut (PIB) du Québec s'élevait à 46 175 $ par habitant, soit près de 8000 $ de moins que celui de l'Ontario (54 103 $), ou 17 %(1), est-il indiqué au budget.

Bien sûr, les administrations précédentes avaient aussi ce même objectif d'accroître notre richesse collective, mais on sent clairement chez ce gouvernement nationaliste dédié à l'économie une volonté d'y parvenir. Et de faire oublier à tout jamais la maxime « Né pour un petit pain » qui nous colle encore à la peau.

« Nous sommes profondément convaincus que le Québec peut faire plus et mieux pour rattraper son écart de richesse avec ses voisins », a déclaré le ministre des Finances, Eric Girard.

La partie ne sera pas facile, car un tel écart prend plusieurs années à combler. L'objectif est moins grand si l'on tient compte du coût de la vie moindre au Québec, mais tout de même, il faut calculer en années.

Dans son discours du budget, Eric Girard a dit vouloir faire croître notre PIB de 0,5 point de plus que les prévisions actuelles au cours des prochaines années, ce qui hausserait notre richesse collective de 13 % sur 25 ans.

Comment combler l'écart avec l'Ontario ? D'abord, le Québec doit garder le cap et maintenir un budget équilibré, afin de ne pas sabrer à nouveau dans notre avenir, l'éducation.

Nos gouvernements s'en sont donné les moyens ces dernières années en s'attaquant à la dette. Aujourd'hui, ces efforts se traduisent par une réduction de la part du budget que le Québec consacre au remboursement de la dette chaque année. Si bien que d'ici deux, trois ans, notre dette nette passera vraisemblablement sous celle de l'Ontario (39 % du PIB), qui se situe au troisième rang des provinces les plus endettées au Canada. « Ce sera un grand jour », a dit le ministre des Finances, hier.

Le défi de la main-d'oeuvre

Dans son budget, Éric Girard avance d'autres mesures pour ce rattrapage, en plus de celles visant à stimuler l'investissement de l'automne dernier. Premier élément : relever le défi de la pénurie de main-d'oeuvre.

Jusqu'à l'âge de 60 ans, la proportion de Québécois qui travaillent est aussi élevée qu'en Ontario (72 % entre 55 et 59 ans). Passé 60 ans, ça se gâte : le taux d'emploi tombe à 21 % au Québec, contre 25 % en Ontario.

En comblant cet écart, le Québec ajouterait près de 90 000 travailleurs à l'économie. Des profs, des plombiers, des infirmières, des comptables, des menuisiers : cette main-d'oeuvre riche en expérience est essentielle, d'autant que la population vieillissante aura besoin de plus de services.

Le gouvernement réduit donc les impôts de 150 $ à 1500 $ pour ceux qui prolongeront leur carrière après 60 ans (et qui font moins de 65 000 $ de revenus à temps plein ou partiel). Il réduira également la taxe sur la masse salariale des entreprises qui embauchent des travailleurs de cet âge. Les deux mesures combinées coûteront quelque 285 millions par année à terme, ce qui est considérable.

Le gouvernement caquiste injecte également 146 millions par année pour améliorer la francisation des immigrants et leur intégration au marché du travail.

Stimuler la productivité

Deuxième élément du plan Girard : stimuler la productivité, notamment en misant sur un secteur prometteur, soit l'intelligence artificielle. Il injecte environ 44 millions par année dans cette filière, afin d'attirer des chercheurs étrangers, de soutenir les développeurs, mais aussi d'aider les entreprises du Québec à adopter l'intelligence artificielle dans leurs activités et ainsi devancer leurs concurrents.

Soutenir les entreprises

Troisième élément : doper les moyens financiers d'Investissement Québec de 1 milliard de dollars pour permettre au bras financier du gouvernement de mieux soutenir les entreprises. Enfin, le gouvernement caquiste réservera 1 milliard pour appuyer les entreprises stratégiques du Québec et protéger nos sièges sociaux.

Le plan est ambitieux, et comme c'est souvent le cas avec les politiques publiques - il faut le dire -, les réalisations concrètes après quelques années sont décevantes en regard de l'argent investi. Pour l'ensemble des mesures, le nouveau gouvernement Legault devra faire un suivi serré pour s'assurer qu'elles donnent bel et bien des résultats.

Le dernier plan nationaliste du genre remonte au tandem Bernard Landry-Claude Blanchet, et bien qu'il ait porté certains fruits, il avait donné lieu à plusieurs projets non rentables, voire inutiles.

Les critiques viendront bien assez bien vite, mais en attendant, tout nouveau, tout beau, comme on dit : il faut espérer que le plan de la CAQ contribuera vraiment à rattraper l'Ontario.

(1) Il s'agit de dollars constants de 2012.