Les Québécois risquent-ils de vivre leurs vieux jours non seulement diminués par l'âge, mais aussi plus pauvres? Ont-ils un régime de retraite digne de ce nom dans le secteur public et surtout dans le secteur privé?

La réponse à cette question est importante, car elle risque d'avoir un grand impact au cours des prochaines années sur la vigueur de l'économie du Québec, dont la population est vieillissante. Et elle nous permet aussi d'imaginer les drames qui pourraient survenir alors chez les personnes âgées, de même que les services publics qui seraient nécessaires pour y faire face.

Une récente étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) répond justement à cette question, que nous avons également validée avec Retraite Québec.

Voyons voir. D'abord, selon l'ISQ, 92% des employés des grandes organisations bénéficiaient de conditions de travail qui incluent un régime de retraite en 2017. Les employés du public sont mieux nantis (99% en bénéficient) que ceux du privé (85%).

Cette proportion est très importante, bien plus que ce à quoi l'on pouvait s'attendre. À voir ce 92%, on se dit que tout est beau. Seulement voilà, ce chiffre ne dit pas tout. D'abord, les grandes organisations de l'ISQ sont celles qui comptent 200 employés à temps plein et plus. Cet univers ne regroupe qu'un peu plus du quart du total des employés québécois. Or, les employés des autres organisations, plus petites, sont beaucoup moins nombreux à bénéficier d'un régime de retraite dans leurs conditions de travail.

Pour en avoir le coeur net, j'ai posé cette question à Retraite Québec, l'organisme qui chapeaute les régimes de retraite au Québec. Retraite Québec - anciennement appelée Régie des rentes du Québec - est justement en train de refaire une analyse exhaustive à ce sujet. Résultat sommaire : ce sont plutôt 54% de l'ensemble des travailleurs du Québec qui ont accès à un régime de retraite financé en partie par l'employeur.

Dit autrement, on peut avancer que dans les petites organisations, celles de moins de 200 employés, seulement 40% des employés bénéficient d'une forme ou d'une autre de régime de retraite.

Beaucoup trop de Lada

Ce 54% ne paraît tout de même pas si mal si l'on considère que, bien souvent, les travailleurs vivent en couple et que l'un ou l'autre des conjoints bénéficie d'un régime. Mais encore une fois, il y a un os, et tout un. Parmi ces employés chanceux qui ont un régime, les cotisations versées par l'employeur sont très petites dans la vaste majorité des cas. C'est mieux que rien, me direz-vous, mais on est loin de ce qui est nécessaire pour avoir une retraite convenable.

L'étude de l'ISQ, malgré ses limites, nous permet d'en avoir un bon aperçu. D'abord, réglons le cas des employés du secteur public (fédéral, provincial, municipal, etc.). Les cotisations de l'employeur sont à 10,7% du salaire, en moyenne, ce qui est fort respectable, d'autant que l'employé verse obligatoirement aussi, de son côté, un bon pourcentage de son salaire dans le régime.

C'est ce que j'appelle un régime Cadillac. Non seulement la contribution du patron est généreuse, mais encore la mensualité que l'employé obtiendra à sa retraite est garantie, peu importe les aléas des marchés financiers. On parle alors d'un régime à prestations déterminées (PD), dont bénéficie la quasi-totalité des employés du public.

Dans le privé, c'est une autre paire de manches. Environ le tiers de ceux qui travaillent pour une grosse boîte peuvent compter sur un régime Cadillac, tandis que pour les deux autres tiers, il faut parler d'un régime Lada ou de pas de régime du tout. Dans le cas des régimes Lada, il peut s'agir de REER collectifs, par exemple, ou d'un régime à cotisations déterminées (CD). Dans ces deux cas, la mensualité à la retraite n'est pas garantie et elle peut fluctuer selon les rendements des marchés financiers.

Dans le cas de ces régimes Lada, donc, l'employeur ne cotise que 2,7 à 3,5% du salaire, en moyenne, selon l'ISQ. En ajoutant la part cotisée par l'employé - souvent équivalente -, on peut donc estimer que les fonds accumulés pour la retraite représentent entre 5,4% et 7% du salaire.

Cette part est nettement insuffisante pour planifier une retraite convenable. Il est reconnu qu'il faut généralement verser entre 10% et 20% de son salaire chaque année pour ce faire. Cette proportion est moins importante si l'on commence très jeune à épargner (10%) et plus importante si l'on commence tard (20%).

Bien sûr, Retraite Québec versera certaines prestations à la retraite - issues de prélèvements automatiques sur la paye des travailleurs -, mais elles ne combleront, au mieux, que 25% des besoins. Quant à la «pension» fédérale, elle est encore plus modeste.

Qui plus est, ne l'oublions pas, ces régimes Lada du secteur privé dans l'étude de l'ISQ valent pour les grandes organisations, de 200 employés et plus. Pour les petites, les contributions de l'employeur risquent d'être plus basses...

Bref, pour vivre une retraite digne de ce nom, une majorité de Québécois doivent faire des contributions importantes à leur REER. Ou se contenter d'un niveau de vie bien moindre durant leurs vieux jours.