Aujourd'hui, deux questions quiz sur les immigrés qui quittent le Québec. Les réponses sont fort importantes, car elles façonnent nos politiques sur le sujet.

Tous les partis ont d'ailleurs pris position, notamment la CAQ, qui veut diminuer le nombre d'immigrés. Le sujet est chaud et il en sera question lors de la campagne électorale de l'automne.

Vous êtes prêts?

Première question : Quelle est la part des immigrés du Québec qui finissent par quitter la province? Est-ce le quart ou le tiers, comme on l'a entendu récemment?

Réponse : Aucune de ces deux suggestions. Le taux de départ des immigrés après cinq ans est plutôt de 16% (un sixième), selon la base de données la plus fiable à ce sujet, celle de Statistique Canada*. La rétention des immigrés (l'inverse des départs) est donc bien meilleure que ce qui est véhiculé.

Ce taux de rétention de 84% après 5 ans tombe à environ 82% après 10 ans et demeure pratiquement stable par la suite, les immigrés constatant que le Québec est un endroit où il fait bon vivre.

Deuxième question : Vrai ou faux? Les immigrés du Québec sont bien plus nombreux à fuir leur province d'accueil que ceux des autres provinces?

Réponse : Faux. Le Québec ne s'écarte pas beaucoup de la moyenne, avec un taux de départ de 16% après cinq ans contre 14% dans l'ensemble des provinces canadiennes.

Surpris? La méthodologie de Statistique Canada est pourtant très solide. L'organisme a suivi les cohortes d'immigrés devenus résidents permanents à chacune des 35 dernières années. Pour connaître leur mobilité, l'agence a croisé les données du ministère fédéral de l'Immigration avec celles de l'Agence du revenu du Canada (2015 est l'année la plus récente). L'adresse indiquée sur la déclaration de revenus permet de savoir où résident les immigrants de chaque cohorte. Le taux de couplage global des deux bases de données est de 97%.

L'Ontario et l'Alberta trônent au sommet, avec des taux de rétention de plus de 90% en 2015 pour les cohortes de 2010. La Colombie-Britannique et le Québec suivent à 86,7% et 84,3%. Ces taux de rétention sont stables depuis 10 ans, comme la moyenne canadienne d'ailleurs (86,3%). Les provinces maritimes sont loin derrière (la Nouvelle-Écosse est à 65% et le Nouveau-Brunswick, à 48%), tout comme le Manitoba et la Saskatchewan, à 78%.

Le Québec n'est donc pas la porte tournante qu'on s'imagine parfois. Cela dit, notre rétention demeure un peu plus faible que celle des trois autres grandes provinces et cette différence s'explique essentiellement par la langue parlée des immigrants à leur arrivée.

Selon Statistique Canada, le taux de rétention au Québec est de seulement 76% après cinq ans pour les nouveaux arrivants qui ne parlent que l'anglais comme langue officielle canadienne à leur arrivée. Cette situation n'est guère différente de celle des immigrants qui, en Ontario, ne parlent que le français comme langue officielle à leur arrivée, puisque le taux de rétention de ce groupe y est de 78%. Toutefois, les immigrés dans une telle situation face à la langue courante de la province sont proportionnellement beaucoup plus nombreux ici (1 immigrant sur 5 au Québec, en moyenne).

À ce sujet, il faut dire aussi que le Québec a fait des progrès majeurs chez ces immigrés «anglophones», puisque la rétention n'était que de 59% pour la cohorte de 1988. Toutefois, le taux baissera durant les années du gouvernement Marois, selon ce qu'il est possible de détecter avec certaines données préliminaires.

Là où le Québec fait nettement moins bien que les autres grandes provinces, c'est dans la rétention des immigrants qui ne parlent ni l'anglais ni le français lors de leur arrivée. En moyenne, la rétention pendant cinq ans de ce groupe linguistique a été de 78%, loin de l'Ontario (92%) et de la moyenne des provinces canadiennes (86%)**.

En revanche, notre capacité de retenir les immigrants parlant seulement le français (95%) comme langue officielle est supérieure à celle des Ontariens, des Albertains et des Britanno-Colombiens pour les immigrés «anglophones» (90% de rétention). Et notre rétention des immigrés bilingues (français et anglais) est aussi bonne qu'ailleurs (87%).

Ces phénomènes distincts selon la langue officielle parlée nous font constater à quel point le choix des immigrés ou encore notre capacité de francisation influent grandement sur la rétention. L'emploi est aussi un puissant moteur pour expliquer le désir des immigrés de rester ici, ce qui pourrait aider le Québec vu notre marché du travail florissant.

À ce sujet, cependant, le Québec aura un défi particulièrement important à relever au cours des prochaines années. En effet, le Québec a accueilli une proportion majoritaire d'immigrés ne maîtrisant pas le français en 2016 (plus récente année disponible au ministère fédéral de l'Immigration), ce qui ne s'était pas vu depuis 10 ans.

Ainsi, en 2016, 53% des nouveaux résidents permanents du Québec peinaient à parler le français. Une telle proportion est nettement plus importante que le creux de 2010 (35%). Cet écart s'explique entre autres par la proportion plus grande de réfugiés devenus résidents permanents, et il y a aussi davantage d'enfants de moins de 15 ans. Dans quelques années, il ne faudra pas traiter les Québécois de xénophobes si la rétention diminue, mais plutôt y voir un phénomène linguistique, entre autres.

Bref, les immigrants perçoivent le Québec comme une bonne terre d'accueil, bien qu'une part un peu plus élevée la quitte que dans les trois autres grandes provinces, notamment en raison de la langue. Le prochain gouvernement, qu'il soit caquiste, libéral ou péquiste, devra beaucoup investir dans la francisation et l'intégration au marché du travail et espérer que les nombreux emplois disponibles ici inciteront les nouveaux arrivants à apprendre le français et à rester au Québec.

* Base de données longitudinales sur l'immigration (BDIM), Statistique Canada

** Pour dégager la tendance, nous avons fait la moyenne des cohortes de 2006 à 2010 pour ce groupe linguistique.