Je voulais absolument tirer l'affaire au clair. Est-il vrai que ce sont les compressions qui, pour l'essentiel, ont permis aux libéraux de baisser les impôts ?

La question n'est pas sans intérêt. Le geste du gouvernement Couillard a été qualifié d'irresponsable par bien des commentateurs. Or, avant d'en arriver là, il faut savoir jusqu'à quel point les baisses d'impôts ont été financées par les compressions.

Elle n'est pas sans intérêt non plus parce qu'on oppose souvent baisse d'impôts et réinvestissement en éducation. Or, bien que le débat soit pertinent, il faut rappeler que le gouvernement a déjà commencé à réinvestir substantiellement en éducation. Cette année, la hausse des dépenses en éducation est de 4 % (un milliard de dollars), soit quatre fois l'inflation, et elle est récurrente. L'an prochain, une nouvelle hausse de 3,4 % est prévue.

Je me suis donc cassé la tête à détailler les sources de fonds qui ont permis au gouvernement de venir à bout du déficit, d'engranger des surplus et d'annoncer des baisses d'impôts (1).

QUATRE DOLLARS SUR DIX VIENNENT DES COMPRESSIONS

En résumé, voici : le ralentissement des dépenses (santé, éducation, etc.) a financé 41 % des actions du PLQ, contre 14 % attribuable à la croissance économique et environ 11 % aux compressions de dépenses fiscales aux entreprises.

Et ô surprise : près du tiers du coussin des libéraux vient de la hausse des transferts fédéraux et de la diminution des paiements d'intérêts sur la dette du Québec !

En somme, sur 10 $ de baisse d'impôt, 4 $ s'expliquent par les compressions et 6 $ par d'autres éléments.

Comment ai-je obtenu de tels chiffres ?

Avant tout, il faut rappeler une chose souvent mal comprise : les dépenses du gouvernement n'ont pas baissé pendant la période d'« austérité », elles ont augmenté, mais moins rapidement qu'avant. La hausse moyenne a été de 1,8 % par année de 2014 à 2017, contre 3,5 % de 2011 à 2014. C'est cette division par deux de la croissance des dépenses qui a été durement ressentie par la population.

Ce qu'on pourrait appeler la « marge de manoeuvre » du PLQ a donc été constitué, entre autres, par ce ralentissement de la croissance des dépenses. Il s'explique aussi par les revenus additionnels d'impôts et de TVQ tirés de l'accélération de la croissance économique (emplois, ventes au détail, profits des entreprises).

Tout pris en compte, si le Québec avait évolué depuis trois ans comme durant la période précédente (2011-2014), l'exercice financier 2016-2017 se serait soldé par un énorme déficit de 4,3 milliards de dollars environ. Dans les faits, c'est plutôt un surplus de 4,3 milliards que le gouvernement a enregistré, pour un revirement de situation de 8,6 milliards.

D'où proviennent principalement les fonds qui ont permis ce retournement de 8,6 milliards ? D'abord, le ralentissement de la croissance des dépenses de mission (santé, éducation, etc.) explique environ 3,6 milliards de cette somme (41 %).

Deuxièmement, les transferts fédéraux ont augmenté de 2014 à 2017, ajoutant 1,6 milliard aux revenus du gouvernement du Québec, ce qui représente 19 % du retournement financier.

Troisièmement, les paiements sur la dette ont fortement diminué depuis trois ans, offrant un coussin bienfaisant au gouvernement. Ainsi, en 2016-2017, le service de la dette a fondu de 1,1 milliard par rapport à 2013-2014, ce qui explique donc environ 12 % du revirement de 8,6 milliards.

Enfin, l'impact de la croissance économique sur les revenus est estimé à 1,2 milliard pour l'exercice financier 2016-2017, soit 14 % du total (2).

Au bout du compte, le revirement de 8,6 milliards a permis d'effacer le déficit qui aurait été réalisé en 2016-2017, en plus de verser 2,0 milliards au Fonds des générations et de réduire les impôts.

En somme, il est juste de dire que les compressions ont été le principal élément qui a permis au gouvernement de baisser les impôts. Toutefois, 60 % de ces baisses s'expliquent par d'autres facteurs, comme la dette, les transferts fédéraux et la croissance économique.

PLUS D'IMPÔTS QU'AVANT

Cela dit, mon analyse m'a permis de faire une autre découverte : les Québécois continueront de payer davantage d'impôts et de taxes qu'avant la lutte au déficit, malgré la baisse récurrente des impôts qui a été annoncée (2,0 milliards).

Ainsi, depuis 2010, la hausse de deux points de la TVQ, jumelée aux diverses autres hausses de taxes, fait en sorte que l'État prélève, chaque année, environ 4,0 milliards de plus dans les poches des Québécois. Le cadeau du gouvernement Couillard, certes électoral, reste deux fois moindre que cette somme.

Et il faut bien le rappeler, le Québec est au dernier rang au Canada pour le revenu disponible après impôts par habitant, derrière l'Île-du-Prince-Édouard.

1 - Il m'a fallu passer au crible les comptes publics, les budgets et les mises à jour de huit exercices financiers.

2 - Pour isoler l'impact de la croissance économique, il m'a fallu retrancher l'effet sur les revenus des hausses de taux de taxation et d'impôt au fil des ans, qui n'ont rien à voir avec la croissance économique. Et, ensuite, mesurer l'écart entre la période 2014-2017 et la période 2011-2014.

Photo Jacques Boissinot, La Presse canadienne

Dans sa plus récente mise à jour économique, présentée il y a deux semaines, le ministre des Finances du Québec Carlos Leitão a annoncé une baisse d'impôts en vue de l'exercice fiscal de 2017, une mesure qui se chiffre à 2,3 milliards de dollars pour l'ensemble des contribuables.

Photo Jacques Boissinot, La Presse canadienne

Dans sa plus récente mise à jour économique, présentée il y a deux semaines, le ministre des Finances du Québec Carlos Leitão a annoncé une baisse d'impôts en vue de l'exercice fiscal de 2017, une mesure qui se chiffre à 2,3 milliards de dollars pour l'ensemble des contribuables.