Maintenant que le déficit zéro est atteint, le gouvernement libéral a décidé de réinjecter des fonds dans les écoles, les cégeps et les universités. Fort bien. Bonne décision. Bravo. Merci.

Cela dit, ces fonds additionnels permettront-ils vraiment au réseau de l'éducation - et aux universités en particulier - d'améliorer leur sort? Pas si sûr.

Pour comprendre, faisons d'abord un survol des fonds additionnels consacrés à la mission Éducation et Culture*. Au cours de la prochaine année, cette mission obtiendra 636 millions de dollars de plus, ce qui équivaut à une hausse d'environ 3 %. Ce bond est bien plus important qu'au cours de l'année d'austérité qui se termine (0,5 %) et plus grand que l'autre grand secteur, la santé (2 %).

Les nouveaux fonds de 636 millions représentent près de 31 % de la hausse globale des dépenses consolidées du gouvernement cette année (2,1 milliards), alors que la mission Éducation représente 24 % du budget. Dit autrement, le secteur de l'éducation obtient plus que sa part dans les fonds additionnels que le gouvernement consacre à ses cinq missions. Aucune autre mission n'obtient autant. Bref, il y a vraiment une réinjection de fonds en éducation.

Cela dit, où va cet argent? Près des deux tiers de ces nouveaux fonds seront versés aux écoles primaires et secondaires, et le reste ira aux cégeps et universités. De cette somme, une bonne partie est consacrée aux majorations salariales des enseignants, de même qu'à l'augmentation de la clientèle attribuable à la démographie.

Tout compte fait, le réseau primaire secondaire obtient 109 millions d'argent frais, est-il indiqué au budget. Environ 70 millions avaient déjà été annoncés pendant les négociations, le 26 novembre dernier, si bien que jeudi, l'allocation réellement nouvelle de fonds se chiffre à 49 millions, ce qui équivaut à 49 $ par élève. 

Chacun des élèves ne bénéficiera pas également de cet argent, cependant, et les directions d'école ne pourront allouer les fonds à leur guise. Le gouvernement exige que les 109 millions soient dépensés pour combler des objectifs bien précis, répartis dans... 15 enveloppes.

Des exemples? Soutenir la réussite en lecture, offrir la maternelle 4 ans en milieu défavorisé, soutenir les élèves handicapés, déployer l'éducation interculturelle, assurer la vitalité des petites communautés, favoriser la réussite par le contact des arts, favoriser l'activité physique, soutenir les organismes d'aide à la réussite, etc. 

Les objectifs sont souvent fort louables, mais il y en a une pléthore, si bien qu'il faudra mandater des fonctionnaires pour gérer l'allocation précise de ces fonds, ce dont se plaignent les commissions scolaires et les écoles, qui veulent plus d'autonomie.

Du côté des universités, la situation est semblable. Une fois les hausses salariales versées, il y aura 55 millions d'argent frais, dont une dizaine de millions qui avaient été annoncés en novembre. De cette somme, les universités pourraient obtenir une trentaine de millions.

Quand on sait qu'à elles seules, l'Université de Montréal et l'Université du Québec à Montréal (UQAM) engrangeront des déficits combinés de 18 millions cette année, il y a de quoi rester perplexe. Encore une fois, les 30 millions d'argent frais devront être dépensés pour des objectifs précis, comme «l'adéquation formation-emploi», la mobilité des étudiants et des projets d'optimisation des réseaux. Rien pour diminuer le nombre d'étudiants par classe ou la proportion de chargés de cours.

Le gouvernement Couillard a atteint le déficit zéro et s'est entendu avec ses employés: il faut saluer cette grande réussite. Aujourd'hui, la réinjection de fonds dans l'éducation est fort bienvenue et nous change des gels ou compressions répétées des dernières années. Il reste que les fonds nouveaux sont contraignants et permettront de ne régler qu'une petite partie des besoins.

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* Il s'agit des dépenses consolidées, qui comprennent les dépenses de programmes du gouvernement, mais également celles propres aux réseaux. Par exemple, les commissions scolaires sont aussi financées par les taxes scolaires, ce dont tiennent compte les chiffres de notre analyse.