Il y a quelques semaines à peine, une entente était impensable. Tout convergeait vers une déshonorante loi spéciale. L'annonce d'hier est donc une grande réussite pour le gouvernement libéral et les syndicats du secteur public.

Rappelez-vous : au nom de l'équilibre budgétaire, le gouvernement offrait des miettes à ses employés, soit 3 % de hausse salariale sur cinq ans. L'offre était à des kilomètres des demandes syndicales, soit 13,5 % sur trois ans. L'écart était tout simplement abyssal, de l'ordre de 3,9 % par année.

Rappelez-vous : il y a sept mois, des étudiants masqués prenaient le contrôle d'un bâtiment de l'UQAM, dénonçant l'austérité libérale et le traitement réservé aux employés du secteur public. Policiers, gaz lacrymogène et arrestations musclées ont été nécessaires pour ramener l'ordre.

Le chaos a été tel qu'il a provoqué l'éclatement de certaines associations étudiantes et la chute de 11 % des inscriptions à l'UQAM cet automne.

Rappelez-vous la gronde des profs face aux demandes patronales de rehausser le nombre d'élèves par classe ou de ne plus tenir compte des élèves en difficulté dans le calcul de ces ratios.

Rappelez-vous la colère des employés du secteur public à l'annonce de l'investissement de 1,3 milliard dans Bombardier ou encore leur indignation récente face aux dépassements budgétaires de 417 millions pour la rémunération des médecins.

Le contexte rendait invraisemblable une entente négociée, ce qui laissait planer une tension permanente dans le secteur public au cours des prochaines années.

Que s'est-il donc passé ?

Deux choses, essentiellement. D'abord, le gouvernement Couillard a réalisé qu'il avait impérativement besoin d'un accord pour poursuivre son redressement de l'économie du Québec. Politiquement, il aurait été très difficile de baisser les impôts, tel qu'on l'avait promis dès 2017, après avoir imposé un maigre 3 % sur cinq ans à ses employés par une loi spéciale.

D'ailleurs, l'appui de l'opinion publique, favorable au déficit zéro, commençait à s'effriter.

Ensuite, les compressions des deux dernières années ont donné de meilleurs résultats que prévu. Officiellement, le gouvernement a promis d'atteindre le déficit zéro au cours de l'année qui se termine le 31 mars prochain. Or, après six mois, le gouvernement a plutôt dégagé un surplus de 1,7 milliard.

Cette marge de manoeuvre, bien que friable, lui permet d'être plus généreux sans sacrifier l'équilibre budgétaire.

Pour parvenir à cette entente, le gouvernement a toutefois beaucoup cédé, selon ce qui a filtré jusqu'à maintenant. Québec a retiré pratiquement toutes ses demandes aux tables sectorielles, qu'on pense aux changements dans les ratios maître-élèves ou à l'abandon des primes de soir pour les infirmières. Il a également bonifié significativement son offre salariale à la table centrale.

Hier matin, on apprenait que l'offre était passée de 3 % sur 5 ans à quelque 6,4 % sur 5 ans, si l'on inclut l'exercice de relativité salariale (2,4 %). Et au cours de la journée, elle a été bonifiée d'un autre 1,25 % sur cinq ans, pour une hausse globale de quelque 7,65 % sur cinq ans, selon mes collègues Denis Lessard et Tommy Chouinard. À cela s'ajouteraient des paiements forfaitaires. Au final, l'offre équivaudrait à un peu plus de 1,5 % par année (l'inflation annuelle est de 1,1 % au Canada cette année).

À cette offre s'ajoute la facture des ententes aux diverses tables sectorielles (argent frais en éducation, infirmières permanentes, etc.), qui oscillerait entre 330 et 400 millions. Les employés ne verront pas la couleur de cet argent sur leur chèque de paie, mais il rendra leur travail moins pénible.

Tout indique que la hausse salariale proposée ne permettra pas de rattraper complètement l'écart de 7,9 % avec les autres salariés des organisations de plus de 200 employés au Québec (privé, fédéral, municipal, etc.). En revanche, les employés du secteur public ont la sécurité d'emploi et un généreux régime de retraite, même si l'âge pour cesser de travailler sans pénalité passera probablement de 60 à 61 ans.

Comme toute entente, l'accord ne satisfera pas totalement les deux parties. Si les employés l'acceptent, néanmoins, elle enlèvera beaucoup de tensions au Québec et permettra une paix syndicale salutaire pour cinq ans.