L'État ne peut pas fermer ses portes. Une entreprise, si. Cette petite différence change complètement la nature des relations de travail de l'un et de l'autre avec ses employés.

Ainsi, quand une entreprise traverse une période difficile, elle licencie des employés ou se débarrasse de ses activités déficitaires, essentiellement. En revanche, l'État ne peut pas fermer les écoles moins rentables ou les hôpitaux moins performants. Son remède en cas de ralentissement économique : hausser les impôts, s'endetter ou diminuer les salaires de ses employés.

Oh, bien sûr, l'État peut réduire un peu ses effectifs. Le fédéral l'a fait, mais le fédéral, faut-il le dire, n'offre pas de services directs à la population comme la santé et l'éducation. En plus, au Québec, quand l'État veut réduire le nombre de ses employés, les rues se remplissent de manifestants et la situation devient politiquement intenable.

C'est dans ce contexte qu'il faut analyser l'étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) sur la rémunération de l'administration québécoise, publiée hier.

Cette année encore, l'étude le confirme : les employés de l'administration québécoise gagnent 7,9 % de moins que les autres salariés exécutant des tâches comparables au Québec. Et l'écart s'est accentué au fil des ans. En 2009, la différence était de 3,7 %, deux fois moindre.

Ces chiffres englobent tout : le salaire, les avantages sociaux, les congés payés, les heures travaillées, alouette. La comparaison vaut pour des organisations de 200 employés et plus, publiques et privées, mais elle exclut les profs, infirmières et autres employés qu'on trouve peu ou pas dans le secteur privé.

L'écart grandissant est facile à expliquer. Depuis 2009, le gouvernement du Québec fait des déficits à répétition. S'en est suivie une série de mesures pour retrouver l'équilibre budgétaire. La TVQ a augmenté, les impôts ont augmenté, la dette a augmenté, si bien que l'État accapare aujourd'hui 26 % du PIB, contre 23 % en 2005.

Pendant ce temps, le gouvernement a-t-il réduit le nombre de ses employés, comme l'aurait fait le privé ? Pas du tout. Pendant ce temps, le nombre d'employés a bondi de plus de 25 000 pour toutes sortes de raisons valables (plus de services de santé et de services de garde, moins d'élèves par classe, etc.).

Pour compenser - et parce qu'il ne peut pas sans cesse augmenter les impôts et la dette -, le gouvernement a maintenu les hausses salariales de ses employés en deçà de l'inflation, ce qui a eu pour effet de creuser l'écart avec les autres salariés au Québec. Et il tente de faire encore la même chose dans les négociations actuelles, avec une offre de 3 % sur cinq ans, ce qui empirera les comparaisons avec les autres salariés québécois.

Et c'est ainsi que la paye des employés de l'État s'étiole, année après année, avec des conséquences qui finiront par être néfastes.

Encore hier, ce courriel : « Mon équipe comprenait un jeune professionnel de 30 ans. Bourré de talents et de motivation. Il parlait couramment trois langues. Lorsque les offres ont été déposées, il a décidé de quitter la fonction publique. Il représentait un des meilleurs espoirs de mon ministère. En dévalorisant sans cesse la fonction publique, on ne fait pas qu'appauvrir les fonctionnaires, mais la fonction publique dans son ensemble... »

L'État ne peut pas fermer. Mais si l'on veut offrir des hausses salariales durables et essentielles aux employés, nous avons deux options. Primo, notre économie doit connaître une croissance nettement plus forte afin d'apporter plus de recettes au gouvernement. Deuzio, nos entreprises et nos employés de l'État doivent devenir nettement plus productifs, c'est-à-dire offrir davantage avec les mêmes ressources, grâce à la technologie et à une organisation plus efficace.

En terminant, un mot sur les autres comparaisons de l'ISQ, tout de même. L'écart de rémunération entre les employés du gouvernement et les autres salariés québécois est en moyenne de 7,9 %, mais cet écart grimpe à 15 % avec les employés comparables des universités, à 24 % avec ceux des sociétés d'État et à 39,5 % avec les employés municipaux.

Certes, les employés de l'État gagnent encore 1 % de plus, tout compris, que les employés comparables du secteur privé, mais au rythme où vont les choses, l'écart pourrait s'inverser. En effet, lorsqu'on prend seulement le salaire (sans avantages sociaux), l'écart avec le privé s'est accru : en 2009, les salariés de l'État gagnaient 6 % de moins qu'au privé, contre 10 % en 2015.

ERRATUM TCI-ACCURSO

Dans ma chronique intitulée «Délinquants, c'est le temps de payer», j'ai laissé entendre, à tort, que l'entreprise TCI était responsable des pratiques douteuses du groupe Accurso et qu'elle avait intérêt à participer au programme de remboursement volontaire du gouvernement. Dans les faits, TCI a acquis seulement certains des actifs du groupe Accurso (camions, outils, carrières, etc.), mais non les entreprises qui ont participé aux pratiques douteuses. Mes excuses.