J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle concernant les immigrés et l'éducation.

D'abord, la mauvaise, si l'on peut dire: les enfants qui ont immigré au Québec sont nettement moins performants à l'école que ceux des autres provinces.

La bonne: après trois générations ou plus, le Québec réussit non seulement à combler l'écart, mais il surpasse les autres provinces, surtout en mathématiques. Et il est possible que la qualité de notre système d'éducation y soit pour quelque chose.

Ce constat est tiré d'une étude fort intéressante publiée mercredi dernier par Statistique Canada intitulée Les différences régionales dans les résultats scolaires des jeunes immigrants.

Pour tirer leurs conclusions, les chercheurs Feng Hou et Qi Zhang ont analysé les résultats aux examens internationaux de mathématiques et de lecture. Il s'agit des fameux examens du PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves). Les chercheurs ont comparé les résultats selon le statut d'immigré ou non (1.) et la province de résidence.

Voyons voir. D'abord, l'étude démontre clairement que les enfants immigrés au Québec ont de moins bons résultats. En moyenne, ils obtiennent 508 sur 650 en mathématiques à l'examen PISA, contre une moyenne de 530 pour les enfants immigrés de l'ensemble du Canada. En lecture, la moyenne des enfants immigrés est de 485 au Québec, contre 517 au Canada.

Au Québec, ont constaté les chercheurs, les immigrés sont non seulement significativement moins forts que leurs semblables ailleurs au Canada, mais l'écart est plus grand avec les natifs de l'endroit (Québécois depuis au moins trois générations).

Par exemple, en mathématiques, les immigrés obtiennent 508, en comparaison de 545 pour les autres Québécois, soit un écart de 37 points. L'écart est de 20 points dans les Prairies et de 9 en Alberta. En Ontario et en Colombie-Britannique, au contraire, les immigrés sont étonnamment plus forts que les natifs du Canada, avec des écarts inverses de respectivement 6 et 28 points.

Différentes raisons peuvent expliquer ces écarts, comme les caractéristiques personnelles des immigrés, leurs pays d'origine et la capacité du système d'éducation à combler les carences de certains immigrés pour les ramener à la moyenne.

L'étude a été en mesure d'analyser l'incidence statistique d'un seul de ces trois facteurs, soit les caractéristiques personnelles. Elle renvoie néanmoins aux deux autres, que j'expliquerai plus loin.

Par caractéristiques personnelles, les chercheurs entendent le niveau de scolarité des parents, les aspirations des élèves à fréquenter plus tard l'université ou non, leur appartenance à une famille biparentale ou monoparentale, la langue parlée à la maison par rapport à celle de l'école et la profession des parents.

Selon l'étude, ces caractéristiques justifieraient environ 30% de l'écart de résultats entre les immigrants et les natifs canadiens dans les provinces atlantiques, comparativement à 50% en Colombie-Britannique et pratiquement 100% en Ontario. Le Québec se démarque encore une fois nettement, puisque les caractéristiques personnelles n'expliqueraient que 10% des écarts.

Le test PISA ne recense pas les résultats des immigrés en fonction de leur pays d'origine et il a donc été impossible pour les chercheurs d'expliquer scientifiquement ce facteur. Toutefois, il est suggéré que l'origine des pays d'immigration peut être un élément important expliquant les nettes différences entre le Québec et les autres.

Le Québec, faut-il le rappeler, choisit surtout ses immigrants de pays francophones ou hispanophones des régions de l'Afrique, de l'Europe de l'Est et de l'Ouest, d'Amérique centrale et du Sud et des Caraïbes. Ces régions comptent pour environ 55% des immigrants du Québec.

En comparaison, 70% des immigrants de la Colombie-Britannique viennent de l'Asie. L'Ontario se situe à peu près entre les deux, mais avec une sélection de régions plus anglophiles que le Québec.

Chose certaine, les enfants immigrant au Québec ont des parents moins scolarisés que ceux des autres provinces. Au Québec, 50% des enfants immigrés ont des parents qui, tous les deux, ont fait des études postsecondaires, comparativement à 55% en Alberta, 60% en Ontario, 62% dans l'Atlantique et en Colombie-Britannique.

Les différences dans le système d'éducation de chaque région pourraient aussi expliquer les écarts et notamment le rattrapage des immigrés après quelques générations, notamment au Québec.

«Les écarts régionaux entre les scores en mathématiques et en lecture peuvent découler en partie des variations entre les provinces au chapitre des programmes scolaires, de la proportion d'écoles publiques, religieuses et privées, de la formation des enseignants et des ressources des écoles», disent les chercheurs, qui n'ont pu chiffrer le phénomène.

Enfin, un autre constat fort intéressant de l'étude: bien que leurs résultats soient moins bons aux tests internationaux, les immigrés sont proportionnellement plus nombreux à obtenir un diplôme du secondaire que les autres.

Par exemple, au Québec, les enfants immigrés obtiennent leur diplôme du secondaire dans une proportion de 89%, contre 84% pour les autres. Dans l'ensemble du Canada, cette proportion est de 93% pour les immigrés, contre 87% pour les autres.

Cette apparente persévérance plus grande des immigrés s'observe aussi à l'université. Au Québec, 32% d'entre eux obtiennent un diplôme universitaire, contre environ 25% pour les étudiants qui sont Québécois depuis au moins trois générations. Même chose dans l'ensemble canadien: 40% pour les premiers et 26% pour les seconds.

(1.) Plus précisément, on a comparé les résultats des enfants immigrés arrivés au Canada avant l'âge de 15 ans à ceux des enfants dont les parents sont tous les deux natifs du Canada (troisième génération d'enfants et plus).