Je m'y préparais depuis quelques mois, résigné à devoir marcher 200 mètres pour aller récupérer les trois lettres que je reçois chaque semaine. J'avais même reçu ma clé pour le module 1, compartiment 3 de ma rue.

Or, voilà que le 26 octobre, date même du changement, tout a été stoppé net. Du coup, on retourne à la case départ, avec livraison du courrier à domicile. Incroyable!

S'il y a une décision que l'équipe Trudeau doit prendre rapidement, c'est de laisser Postes Canada terminer son travail, au moins pour les boîtes déjà installées. Sinon, quel gaspillage de fonds publics ce serait.

Personnellement, je n'ai jamais été scandalisé par ce changement. À l'ère des courriels, de Facebook et des cellulaires, les envois postaux sont dépassés.

Bien sûr, le changement heurte une certaine clientèle, comme les personnes âgées qui ne logent pas dans de grands immeubles. Et je concède que Postes Canada aurait dû - et devrait - mieux consulter les municipalités avant d'installer ses boîtes un peu partout. Dans mon cas, je dois traverser un boulevard très passant pour me rendre à la boîte qui nous a été attribuée, alors que de nombreuses autres boîtes se trouvent tout aussi près de mon côté du boulevard.

Mais franchement, on est loin de sacrifier le modèle québécois ou canadien. J'aime autant que mon argent serve à des services publics essentiels.

Quelque 460 000 adresses au Canada sont touchées par la suspension du processus de conversion aux boîtes postales. On ne peut reprocher aux libéraux de vouloir respecter leurs promesses. Néanmoins, je suis convaincu que la plupart des Canadiens croient qu'il faut permettre à Postes Canada de poursuivre le changement pour les boîtes déjà installées. N'êtes-vous pas de cet avis?

La Scandinavie et les tricheurs

Dès leur jeune âge, on leur enseigne à contribuer à la société, à ne pas être des resquilleurs, des tricheurs. En échange, on leur dit que l'État les soutiendra en cas de problème.

Je parle des Scandinaves, ces citoyens de la Suède, de la Norvège et du Danemark. Techniquement, la Finlande n'est pas un pays scandinave, mais la philosophie est la même.

Ce rappel de la social-démocratie à la sauce scandinave a été présenté par les ambassadeurs des trois pays au Canada dans une conférence à Montréal organisée par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM). Per Sjögren (Suède), Mona Elisabeth Brøther (Norvège) et Niels Boel Abrahamsen (Danemark) s'entendent sur cette philosophie commune des trois pays.

La présentation tombe la même semaine où le Canada se retrouve avec une nouvelle équipe ministérielle, dont l'un des objectifs est d'imposer davantage les riches au profit de la classe moyenne, comme en Scandinavie.

Dans ces pays nordiques, l'État, le secteur privé et les travailleurs forment les trois pointes d'un triangle qui survit grâce aux rôles bien définis de chacun et à leur collaboration mutuelle. Les partis de toutes tendances ne remettent pas en question ce modèle, mais l'adaptent selon les circonstances.

Le marché du travail, où le taux de syndicalisation est de quelque 70%, est encadré, avec des augmentations salariales communes. Puisque l'État soutient les employés licenciés, le secteur privé peut faire des mises à pied quand ça s'impose, contrairement à certains pays européens, comme la France.

Le modèle scandinave donne des résultats renversants. Les Scandinaves ont globalement un des plus hauts niveaux de vie au monde et une forte productivité. Par exemple, le produit intérieur brut (PIB) par heure travaillée s'élève à quelque 69$ en Suède, comparativement à 55$ au Québec, selon les calculs de HEC Montréal.

Cette productivité et ce souci de l'innovation se reflètent dans le secteur de la santé. Toute proportion gardée, le secteur de la santé de la Suède coûte annuellement 9 milliards de moins qu'au Québec, selon ce qu'a affirmé à la conférence le professeur de l'ENAP Stéphane Paquin, qui agissait à titre de modérateur.

De plus, l'écart de richesse est moins grand qu'ailleurs: la proportion des revenus annuels qu'accaparent les 1% les plus riches est de 6,7% en Suède, comparativement à environ 10% au Québec et 17% aux États-Unis.

Toutes ces belles réussites sont toutefois assorties de conditions exigeantes: haut taux d'intégrité, pragmatisme économique, grande confiance dans les institutions de l'État et acceptation d'un haut niveau de taxation pour financer les mesures sociales, qui sont universelles. Certes, l'éducation universitaire est gratuite, mais l'accès est beaucoup plus contingenté qu'ici, ce qui serait perçu comme une source d'injustice.

Autre élément: pour le Danemark, mais surtout pour la Norvège, le pétrole a grandement contribué à la richesse collective. Dans le premier pays, il occupe une part de 2,3% du PIB, comparativement à 17% pour la Norvège (6% au Canada, 0% au Québec et 0% en Suède).

Enfin, comme le faisait remarquer le président du CORIM, Raymond Chrétien, le Québec est un laboratoire des mesures scandinaves, mais il est ici impossible d'imposer des taux de TPS/TVQ de 25% comme là-bas, en raison de la concurrence de nos voisins, notamment américains.