Pour certains, ce sont surtout les riches qui font du gain en capital. Par conséquent, tout avantage fiscal accordé par les gouvernements pour le gain en capital est un cadeau aux riches, disent-ils.

Or, une étude statistique apporte un éclairage nouveau à ce sujet. Elle conclut essentiellement que la classe moyenne réalise beaucoup plus de gain en capital qu'il n'y paraît à première vue.

L'étude, dévoilée ce matin, a été réalisée par les chercheurs Tommy Gagné-Dubé, Luc Godbout et Suzie St-Cerny, de l'Université de Sherbrooke. Luc Godbout a été le président de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise.

L'étude fait un historique de l'impôt sur le gain en capital au Canada, rappelant qu'aujourd'hui, seulement 50% du gain en capital est imposé, contrairement à 100% pour le revenu d'emploi. Cette exemption a coûté 739 millions de dollars au gouvernement du Québec en 2013 et probablement autant au gouvernement fédéral (pour la portion québécoise).

Cela dit, les chercheurs notent que le gain en capital représente seulement 1,4% du total de tous les revenus des particuliers déclarés au fisc, qui s'élève à quelque 249 milliards de dollars au Québec. La part du lion va aux revenus d'emploi (63,3%) et de retraite (16,2%).

Surtout, l'étude constate que la part du gain en capital qui est déclaré par les contribuables considérés comme riches est largement surestimée. Ce phénomène s'explique assez simplement: les contribuables qui déclarent au fisc la vente d'un chalet, d'un triplex ou d'un bien agricole, par exemple, voient leurs revenus exploser durant l'année de la déclaration. Pour certains, ce gain exceptionnel s'apparente à un fonds de retraite.

Dans les faits, nombre de ces contribuables font beaucoup moins durant les années normales de déclaration de revenus et ne peuvent être considérés comme riches. Pour y voir clair, les chercheurs ont donc retranché ce gain exceptionnel et ont comparé ce nouveau portrait avec celui qu'on utilise habituellement. L'écart pour l'année 2012 est saisissant.

Dans les données de Statistique Canada couramment utilisées, 19% des 391 150 Québécois qui déclarent des gains en capital au fisc ont un revenu de 100 000$ ou plus. Ils représentent 19% de ce groupe, mais déclarent près de 74% de tous les gains en capital. Conclusion normale: ce sont essentiellement les riches qui profitent de l'exemption fiscale sur le gain en capital.

Avec les données redressées, les chercheurs constatent plutôt que 16,5% des contribuables qui déclarent des gains en capital au fisc ont un revenu de 100 000$ ou plus. Surtout, ce groupe accapare 42% des gains déclarés, soit bien moins que les 74% de l'estimation habituelle.

Écart de 1 milliard de dollars

En dollars, l'impact est très clair. Avec la méthode usuelle, la classe moyenne et les moins nantis (moins de 100 000$ de revenus annuels) ont déclaré 811 millions de dollars de gain en capital en 2012. Avec la méthode des chercheurs, le gain passe à 1,8 milliard, soit près de 1 milliard de plus.

Dit autrement, cette classe qui représente environ les quatre cinquième des contribuables qui déclarent un gain en capital inscrivent, dans les faits, 58% de tous les gains en capital déclarés, plutôt que 26% avec la méthode usuelle.

Avec la nouvelle méthode, les contribuables plus riches continuent, bien sûr, de déclarer davantage que leur part proportionnelle des gains. Toutefois, la classe moyenne en profite davantage qu'à première vue.

L'étude s'est également penchée sur l'exemption à vie sur le gain en capital, dont profitent les actionnaires de PME, les agriculteurs et les pêcheurs. En 2014, rappelons-le, le fisc exemptait leur gain en capital jusqu'à 800 000$, somme qui est passée à 1 million en 2015 pour les agriculteurs et les pêcheurs.

Certains pourraient dire que cette exemption profite seulement à une clique de bien nantis. Or, l'étude démontre clairement que ce n'est pas le cas. Au contraire, cette exemption bénéficie proportionnellement davantage à la classe moyenne.

Ainsi, selon l'estimation redressée des chercheurs, 62,5% des 11 290 contribuables qui ont profité de l'exonération à vie en 2012 faisaient moins de 100 000$ de revenus, en excluant le gain en capital exceptionnel. Leur gain en capital exonéré représentait cette année-là 78% de tous les gains exonéré, soit davantage que leurs poids relatifs (62,5%).

Plus encore: les contribuables déclarant moins de 50 000$ de revenus représentaient 39% du total, mais déclaraient 52% du gain exonéré. Avec la méthode usuelle, ce groupe de moins nantis disait déclarer seulement 2,2% du total des gains exonérés!

En somme, l'étude remet en question certaines idées reçues.

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GAIN EN CAPITAL DÉCLARÉ PAR LES QUÉBÉCOIS EN 2012

[Revenus annuels des contribuables | Estimation* | Estimation courante corrigée* | Écart*]

Moins de 50 000$ | 281 | 1099 | 818

50 000$ à 100 000$ | 530 | 690 | 160

100 000$ à 200 000$ | 620 | 523 | -97

200 000$ à 250 000$ | 189 | 142 | -47

250 000$ et plus | 1458 | 624 | -834

Total | 3078 | 3078 | 0

* En millions de dollars