Est-ce l'austérité qui est responsable de l'affaissement de nos mesures sociales? Ou est-ce plutôt notre endettement public excessif?

La question se pose, à la lecture du texte collectif de fondations privées publié dans Le Devoir, hier, qui met en garde le gouvernement Couillard contre les effets de ses compressions sur les inégalités sociales.

D'emblée, je partage entièrement le constat et l'objectif du collectif de fondations privées, dont fait partie la Fondation Lucie et André Chagnon, née de la vente de Vidéotron à Québecor en 2000.

«Le Québec est la société la plus égalitaire en Amérique du Nord. Cette situation enviable est le résultat de choix collectifs et constitue un actif notable sur les plans économique et social. Les inégalités nuisent à l'économie, à la société et à la démocratie», écrivent les dirigeants des neuf fondations, qui exhortent les Québécois à poursuivre la lutte contre les inégalités.

Je partage cet idéal et, pour ma part, je ne connais pas un homme d'affaires sérieux, pas un économiste, pas un politicien dont l'objectif ultime est d'appauvrir les pauvres et de faire payer la classe moyenne.

Le débat ne porte pas sur cet idéal, mais sur la façon d'y parvenir. Ou, du moins, sur la façon ne pas s'enliser davantage.

Certains jugent encore que nos finances publiques ne sont pas en si mauvais état et que les compressions ne sont pas nécessaires. D'autres estiment plutôt qu'il faut mettre plus de temps à revenir à l'équilibre budgétaire, question de ne pas nuire à l'économie. Enfin, il y a ceux qui jugent qu'après six déficits d'affilée, il faut rapidement revenir à l'équilibre avant qu'une éventuelle récession, phénomène cyclique, ne revienne nous frapper.

Quoi qu'il en soit, le Québec n'est pas un modèle de boom économique depuis des années. La productivité de nos entreprises est nettement moindre qu'ailleurs et notre dette publique gonfle beaucoup trop vite. Sans compter que notre population vieillissante coûte cher en soins de santé.

Tenez, prenez l'étude de HEC Montréal sur la dette parue hier. Les auteurs rappellent que la dette nette du Québec est la plus élevée des provinces canadiennes, et de loin. Elle représente environ 50% de notre économie (produit intérieur brut), comparativement à 38% en Ontario, 36% au Nouveau-Brunswick et 17% en Colombie-Britannique.

En soi, ce n'est pas la dette qui est le principal problème, mais les frais d'intérêts, appelés le service de la dette. En 2014, ces frais s'élevaient à 10,6 milliards de dollars, soit 11,4% du budget du gouvernement du Québec.

Et 10,6 milliards, c'est davantage que les dépenses des ministères des Affaires municipales, de l'Agriculture, de la Culture, de l'Environnement, de la Famille, des Forêts, de l'Immigration, de la Justice, de la Sécurité publique, du Tourisme et des Transports. Pas pris séparément, mais réunis!

De plus, 11,4% du budget, c'est également davantage que ce que les autres provinces et le fédéral consacrent à leur propre service de la dette. En Ontario, c'est 9,1%. Au Nouveau-Brunswick, 8,5%. En Colombie-Britannique, 5,7%. Terre-Neuve arrive ex aequo avec le Québec.

L'étude de HEC Montréal refait également la comparaison de notre endettement relatif avec celui des pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Pour pouvoir comparer avec la même méthodologie, les auteurs ont ajouté la dette des municipalités et amalgamé la part de la dette fédérale qui reviendrait au Québec en proportion de sa population.

Ainsi, le Québec arrive au 10e rang des 31 pays de l'OCDE les plus endettés, à 105% de son PIB. La position peut sembler correcte, mais il faut savoir que cinq des pays qui devancent le Québec vivent des situations économiques atroces, notamment la Grèce, l'Italie, l'Espagne et le Portugal.

Certains observateurs attribuent les problèmes de ces pays aux mesures d'austérité exigées par les financiers. Ces mesures, il faut le reconnaître, ont parfois accentué leurs problèmes. Néanmoins, leur déchéance s'explique plutôt par leur refus d'affronter leurs défis au moment opportun, il y a quelques années, et de vivre selon leurs moyens.

Pour réduire les inégalités, il faudrait s'inspirer de pays sociodémocrates comme la Suède, le Danemark ou la Finlande. Or, la dette publique de ces pays est nettement plus basse, avec des taux oscillant entre 45 et 65% de leur PIB, comparativement à 105% au Québec.

Les moyens que prend le gouvernement Couillard pour parvenir au déficit zéro - et donc juguler la croissance de la dette - sont souvent critiquables. En ces temps difficiles, il faudrait un leader rassembleur, compatissant, innovateur. Et malheureusement, certaines mesures contribueront probablement à accroître les inégalités. Mais soyons francs: pour l'essentiel, ce n'est pas l'austérité qui sera responsable de cet accroissement, mais nos décisions passées.