Guy Breton n'en démord pas: les universités manquent cruellement d'argent. Mais attention, le recteur de l'Université de Montréal admet qu'il y a moyen d'améliorer la productivité, notamment en augmentant le nombre de cours par professeur.

Bien sûr, l'homme est nuancé. Bien sûr, il évite de se mettre à dos les profs, dont la majorité travaille fort. N'empêche, il convient que certains moyens sont en réflexion pour augmenter la productivité.

Guy Breton m'a contacté après la publication de ma chronique de samedi dernier. J'y faisais référence à une étude selon laquelle les universités québécoises disposeraient globalement de plus de fonds que leurs concurrentes ontariennes. La disette des universités du Québec s'expliquerait notamment par la plus faible charge de travail des professeurs, selon l'étude. Guy Breton conteste vigoureusement ces chiffres, mais fait certaines admissions.

D'abord, les dégrèvements. Normalement, un professeur doit enseigner quatre cours par année (deux par session), mais la moyenne oscille souvent entre 2,8 et 3,25 au Québec, ce qui est moins qu'en Ontario (3,4). L'écart s'explique par les libérations accordées aux profs pour effectuer d'autres tâches, qu'on appelle les dégrèvements.

«On pense qu'on gère les choses correctement, mais il y a toujours place à amélioration. Et justement, avec les compressions actuelles, on va regarder les dégrèvements», m'a-t-il expliqué.

Évidemment, si l'on augmente les charges de cours des professeurs, l'Université aura besoin de moins de profs ou de chargés de cours pour offrir les mêmes services, ce qui se traduira par des économies.

Autre avenue: la différenciation des types de professeurs. «Nous souhaiterions pouvoir dire: les stars de l'enseignement vont faire plus d'enseignement et moins de recherche. Et les stars de la recherche, l'inverse. Mais nous sommes limités à cause des conventions collectives. J'apprécierais avoir plus de souplesse», dit-il.

L'une des entités de l'Université, HEC Montréal, a déjà commencé, ai-je appris. L'école a créé des postes de maîtres d'enseignement, c'est-à-dire des profs qui dispensent huit cours par année plutôt que quatre, mais qui ne font pas de recherche. Ils ne sont pas des chargés de cours, mais des professeurs qui n'obtenaient pas de fonds de recherche ou qui préfèrent l'enseignement.

Par ailleurs, Guy Breton reconnaît qu'une différenciation plus grande des salaires donnerait de la latitude à l'Université pour attirer des candidats-clés. «À McGill, il n'y a pas de syndicat de professeurs, donc le versement de meilleurs salaires aux profs-vedettes en finance ou en génomique est plus facile. Nous, on est très encadrés par les conventions collectives, ce qui fait qu'un prof d'informatique et un prof d'histoire ont des salaires similaires», dit M. Breton, qui souhaiterait plus de souplesse du syndicat.

Pour compenser, l'Université de Montréal offre des primes de marché, mais ces primes représentent moins de 5% de la masse salariale.

Des chiffres erronés, admet l'UdeM

Cette semaine, en réaction à ma chronique de samedi, Guy Breton a publié un blogue dans lequel il démontre que les universités du Québec sont sous-financées. Or, j'ai découvert que ses conclusions sont basées sur des calculs erronés. Ces calculs figuraient pourtant dans une publicité de l'Université parue durant la campagne électorale.

Le recteur compare le Québec au reste du Canada concernant les revenus de fonctionnement par étudiant. Ces revenus englobent les subventions du gouvernement provincial plus les droits de scolarité, mais pas les fonds de recherche. Selon ses chiffres, les revenus de fonctionnement par étudiant sont de 11 859$ au Québec contre 15 096$ en Ontario, soit un écart de 27%. À première vue, tous en conviennent: l'écart est énorme!

Or, le nombre d'étudiants utilisé par l'Université est erroné, ai-je pu constater en consultant le chiffrier de l'étude. Les statisticiens du recteur ont mêlé les étudiants à temps plein et à temps partiel, alors qu'il aurait fallu prendre le nombre d'«étudiants équivalents à temps complet [ETC]». Au Canada, la norme veut qu'il faille 3,5 étudiants à temps partiel pour équivaloir à un étudiant à temps complet en termes de revenus et de dépenses.

L'erreur pénalise particulièrement le Québec, qui compte 34% d'étudiants à temps partiel contre 17% en Ontario. «Il y a une erreur, effectivement, a admis le porte-parole de l'Université, Mathieu Filion. Mais sa correction ne change pas le constat que les universités du Québec sont sous-financées.»

Voyons voir. En redressant les chiffres, les revenus de fonctionnement par étudiant ETC passent à 15 680$ au Québec et à 17 168$ en Ontario, et l'écart fond de 27% à 9,5%.

Ce n'est pas tout. En Ontario, les revenus de fonctionnement incluent une enveloppe de 503 millions destinée aux bourses. Ces bourses sont versées aux étudiants et ne servent donc pas au fonctionnement des universités. Au Québec, l'aide aux étudiants est plutôt versée directement par le gouvernement, pour l'essentiel, et non pas par les universités.

En retranchant ces bourses, les revenus par étudiant passent à 16 014$ en Ontario et à 15 362$ au Québec, et l'écart est réduit à 4%. Cette méthode est celle utilisée en Ontario par le Conseil ontarien de la qualité de l'enseignement supérieur (COQES).

Enfin, d'autres facteurs contribuent à effacer l'écart. Entre autres, en Ontario, certains fonds de recherche et certaines dépenses d'immobilisation sont inclus dans le fonctionnement, ce qui n'est pas le cas au Québec. De plus, le coût de la vie est plus faible au Québec. Bref, tout compte fait, il n'est pas clair que les universités du Québec sont plus pauvres que celles de l'Ontario.