Le débat sur la précarité des revenus de retraite fait rage, non seulement au Québec, mais aussi ailleurs au Canada et dans le monde. Il mobilise un nombre croissant de citoyens qui s'inquiètent pour leurs vieux jours.

Dans ce contexte, il est primordial que les gens comprennent bien les enjeux auxquels ils font face ou, autrement dit, qu'ils ne soient pas des «analphabètes financiers». Or, une étude que viennent de publier trois chercheurs de l'Université du Québec à Montréal, parrainée par le CIRANO, donne des résultats inquiétants à cet égard.

Pour savoir si les Canadiens ont un niveau de connaissance minimal en finances personnelles, les auteurs ont posé trois questions très simples à 6911 répondants de partout au Canada. Les données du sondage réalisé en 2012 ont été traitées pour être représentatives de la population canadienne.

1 - Supposons que vous avez 100$ dans un compte d'épargne et que le taux d'intérêt est de 2% par année. Après cinq ans, combien croyez-vous avoir dans le compte si vous y laissez l'argent fructifier? a) Plus que 102$; b) Exactement 102$; c) Moins que 102$; d) Je ne sais pas.

2 - Imaginez que le taux d'intérêt de votre compte d'épargne est de 1% et que l'inflation est de 2%. Après un an, que seriez-vous en mesure d'acheter avec l'argent du compte? a) Plus qu'aujourd'hui; b) Exactement la même chose; c) Moins qu'aujourd'hui; d) Je ne sais pas.

3 - Est-ce que la phrase suivante est vraie ou fausse? Acheter des actions d'une seule entreprise procure habituellement un rendement plus sécuritaire qu'un fonds commun de placement. a) Vrai; b) Faux; c) Je ne sais pas.

Globalement, seulement 42% des répondants ont répondu correctement aux trois questions, pourtant simples. Certes, prise individuellement, chacune des trois questions a obtenu une majorité de bonnes réponses (78%, 66% et 59%), mais le portrait d'ensemble n'est pas rose.

Les auteurs ont constaté des écarts assez importants en fonction des caractéristiques des répondants. Ainsi, les jeunes Canadiens de 18 à 34 ans ont réussi à répondre correctement aux trois questions dans une proportion de seulement 30%, contre 42% pour l'ensemblede la population. Les chômeurs (26% ont bien répondu aux trois questions), les femmes (33%) et les personnes ne détenant qu'un diplôme du secondaire (30%) ou moins que le secondaire (23,5%) ont aussi fait moins bien que la moyenne.

Et au Québec? Selon l'étude, les Québécois ont eu un taux de succès moindre que la moyenne canadienne (39%). Et les francophones du Québec (38%) ont moins bien réussi que leurs compatriotes anglophones (57%).

Toutefois, les chercheurs précisent qu'à cet égard, l'échantillon n'a pas été filtré en fonction des autres critères (âge, sexe, scolarité, etc.). En faisant une analyse plus fine (régression), ils constatent que les écarts des Québécois disparaissent lorsqu'on tient compte du niveau d'éducation des répondants.

Fait intéressant, les auteurs ont choisi les trois mêmes questions élémentaires qui avaient été posées ailleurs dans certains pays industrialisés. Il est donc possible de faire des comparaisons et, sur ce plan, l'adage voulant que quand on se compare, on se console s'applique bien.

Ainsi, seulement 27% des Japonais et 30% des Américains ont bien répondu aux trois questions, contre 45% des Néerlandais et 53% des Allemands.

«L'étude montre que les répondants ont des lacunes importantes au Canada, mais pas davantage qu'ailleurs. Cela dit, la grande question est de savoir si les gens sont en mesure de bien planifier leur retraite», dit le professeur d'économie Pierre-Carl Michaud, qui a dirigé l'étude.

Au vu des réponses, il faut se demander si le gouvernement n'aurait pas intérêt à insérer un cours d'économie à l'école secondaire, comme le demandent des intervenants du milieu des affaires. Ou, à la limite, inclure l'enseignement des notions de base d'économie et de finance à l'intérieur d'un autre cours.

Rappelons que le cours d'initiation à la vie économique a été aboli en 2009 au Québec. En Colombie-Britannique et en Ontario, au contraire, un cours a été respectivement inscrit au programme du secondaire en 2004 et en 2011.

Les réponses

Pour ceux qui veulent être rassurés, voici les bonnes réponses aux trois questions. D'abord, à la première question, la bonne réponse est 110,40$, soit davantage que 102$ (réponse a).

À la deuxième question, il fallait répondre c, soit moins qu'aujourd'hui. En effet, si les prix des biens grimpent plus vite que le rendement de votre capital, le pouvoir d'achat de ce capital diminuera.

Enfin, un fonds commun est constitué de plusieurs titres (actions et obligations, généralement). Or, détenir plusieurs titres avec une même somme est moins risqué que d'en détenir un seul. La phrase était donc fausse.