L'effort a été coûteux, mais bravo, le Québec a réussi! On ne peut en dire autant de l'Alberta, qui se permet d'utiliser l'atmosphère comme une poubelle, ce qui lui permet d'économiser environ 1,8 milliard de dollars par année.

Plaît-il? Je parle des cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) qui avaient été fixées dans la foulée du protocole de Kyoto, dont l'impact économique est considérable. Le 11 avril, Environnement Canada a publié un rapport sur les GES, ces gaz qui provoquent le réchauffement de la planète.

Selon les données de ce rapport, on peut conclure que le Québec a réussi à réduire ses émissions de GES de 6,8% entre 1990 et 2012, soit un peu plus que la cible de 6% que le gouvernement s'était fixée. Cette cible s'apparentait à celle du protocole de Kyoto (6% sous la moyenne de 2008 à 2012).

Il s'agit d'une grande réussite. Plusieurs pays industrialisés ont mis le protocole sur la voie de garage quand ils se sont rendu compte de leur incapacité d'en respecter les conditions.

Au Québec, les entreprises, les gouvernements et les citoyens ont réduit leurs émissions de gaz carbonique de presque 7% pendant que l'économie croissait de 48% entre 1990 et 2012, après inflation. Wow!

Pourquoi en faire une chronique économique? Et que dire de l'Alberta? Bien voilà, l'effort imposé à nos entreprises a été coûteux. Ces coûts deviennent un désavantage si les concurrents ailleurs peuvent polluer à leur guise, donc fabriquer à moindres coûts. Et ne comptez pas sur moi pour dénoncer nos décisions environnementales, surtout dans le contexte des bouleversements climatiques annoncés par plus de 9000 études.

Les coûts des émissions de GES sont maintenant mesurables. Le Québec et la Californie participent à un marché du carbone, qui force les entreprises polluantes à diminuer leurs émissions sans quoi elles doivent acheter des crédits de carbone pour compenser. Ces crédits peuvent être achetés aux entreprises qui polluent moins.

L'an dernier, les crédits ont été vendus tout près du prix plancher de 10,75$ la tonne. En Colombie-Britannique, le gouvernement impose plutôt une taxe aux pollueurs, de 30$ la tonne de GES. En somme, on peut estimer que la facture imposée à une entreprise pour sa pollution abusive en GES oscille entre 10 et 30$ la tonne, pour une moyenne d'environ 20$ la tonne.

En Alberta, le gouvernement n'impose ni taxe ni prix plancher, bien que la province soit le plus grand pollueur au Canada. Normal qu'elle pollue davantage, me direz-vous, puisqu'elle produit du pétrole, dont l'extraction est très polluante, encore plus lorsqu'il s'agit du pétrole bitumineux. Après tout, n'avons-nous pas tous besoin de pétrole pour vivre, pourriez-vous ajouter, pétrole qui nous enrichit au Canada, de surcroît?

J'en conviens. Mais puisque les Albertains sont riches à craquer grâce à leur pétrole et à leur utilisation gratuite de l'atmosphère, ne serait-il pas normal qu'ils en paient le prix, comme nous l'avons fait?

1,8 milliard par année

En 2012, l'Alberta a émis 249 mégatonnes de GES, en hausse de 47% par rapport à 1990, selon Environnement Canada. Pour respecter le protocole de Kyoto, à l'exemple du Québec, elle aurait dû en émettre environ 160 mégatonnes en 2012, soit 90 de moins qu'en 1990.

En utilisant un prix moyen de 20$ la tonne de carbone, les Albertains auraient donc dû payer 1,8 milliard de dollars en 2012 (20$ X 90 mégatonnes) pour leur utilisation abusive de l'atmosphère par rapport aux cibles de Kyoto. Et la facture augmente au fur et à mesure que les années passent, puisque leur pollution s'accroît.

Évidemment, il s'agit d'un ordre de grandeur, mais il nous permet de constater que la richesse des Albertains se fait en partie sur le dos de l'environnement. Cette facture de 1,8 milliard ferait augmenter de 33% environ le taux d'imposition des entreprises albertaines ou encore de 20% les redevances versées par les sociétés pétrolières.

Les Albertains demeureraient les plus riches, mais avouez que ça change son portrait concurrentiel. Et surtout, il ne fait pas de doute qu'une telle facture forcerait leurs entreprises à réduire leurs émissions de GES, pour le bienfait de tous.

En passant, contrairement à ce qu'on pense, l'effort de réduction des GES au Québec a été d'autant plus important que nous étions déjà, comme grand producteur d'hydroélectricité, une nation peu polluante. De son côté, l'Ontario a réussi à réduire ses GES (5,6%), mais c'est grâce à l'abandon progressif de ses centrales au charbon.