Je veux racheter BIXI. J'aime bien le vélo et le concept, et je pense qu'il est possible d'en faire une business rentable, à certaines conditions.

Je veux racheter BIXI, mais je vous avertis: je ne suis pas une oeuvre de charité. Mon but est de racheter le volet international, de l'exploiter dans un petit local de Montréal et de faire de l'argent. Si la Ville de Montréal perd une grande partie des 37 millions de dollars qu'elle y a injectés, ce n'est pas mon problème.

Pour racheter BIXI, j'ai besoin de partenaires. J'ai d'abord besoin d'une bonne tête en informatique, qui saura régler les gros problèmes de l'entreprise avec son système de gestion des paiements, de gestion du temps d'utilisation des vélos et la base de données. J'ai aussi besoin d'un partenaire aux poches profondes. Intéressé?

Voici comment se présente le dossier. BIXI est un concept de prêts de vélos urbains détenu par la Société de vélo en libre-service (SVLS) de Montréal. En 2012, l'entreprise a réalisé des revenus de 45 millions de dollars et une perte nette de 6,4 millions, selon les chiffres crédibles qui circulent. Pour 2013, on s'attend à des revenus de 57 millions et à une perte réduite à 1,5 million.

Bref, l'organisation n'a jamais été profitable depuis quatre ans et c'est ce qui explique, essentiellement, qu'elle se soit mise sous la protection de la Loi sur la faillite.

Ces dernières années, près de 90% des revenus ont été tirés des activités internationales, qui s'avéreraient plus rentables. SVLS vend indirectement aux grandes villes du monde le droit d'utiliser les logiciels de paiement, les vélos et les systèmes d'ancrage de vélos munis d'un module électronique.

C'est ce volet international que veut vendre SVLS. Mon entreprise en devenir, disons BIXI International, deviendrait en quelque sorte le franchiseur du concept, qu'achèteraient les villes du monde encore à conquérir, agissant comme franchisés.

L'occasion pourrait être intéressante, et voici pourquoi. SVLS a une énorme dette de 46 millions, dont 37 millions sont dus à la Ville de Montréal. Mon plan de match consiste à racheter seulement les actifs liés à l'international, mais de laisser SVLS se dépêtrer avec sa lourde dette et avec la poursuite de 26 millions intentée contre elle.

Impossible? C'est pourtant ainsi que ça se passe quand une entreprise a recours à la Loi sur la faillite. Elle ne peut plus assumer ses obligations et c'est celui qui fait la meilleure offre pour les beaux morceaux qui l'emporte. L'acheteur ne prend généralement que l'actif, pas les dettes et les squelettes dans le placard de l'entreprise. Cruelle réalité des affaires.

Dans le cas de SVLS, l'entreprise n'est pas en liquidation. Elle compte plutôt prendre l'argent versé par l'acheteur des activités internationales pour payer la plus grande part possible de ses dettes et ainsi poursuivre l'aventure à Montréal.

On ne se contera pas d'histoires, toutefois: la plupart des créanciers ordinaires d'importance perdront l'essentiel de ce qui leur est dû. Pourquoi? Parce qu'avant d'avancer des fonds de 37 millions, la Ville de Montréal a pris une garantie qui lui donne priorité sur tous les actifs de SVLS. Or, il est très peu probable que l'acheteur verse plus de 37 millions pour le volet international. La Ville aura donc le droit d'amasser la presque totalité des fruits de la vente pour se rembourser.

Maintenant, combien offrir pour ces activités? Difficile à dire. Les seuls états financiers publics, ceux se terminant le 31 décembre 2011, accordent une valeur comptable de 1,8 million au «Développement de concept international» et moins de 400 000$ aux logiciels de gestion des vélos.

Certes, SVLS a injecté beaucoup d'argent dans ce logiciel maison, mais impossible de savoir encore combien. Et les bogues de ces logiciels, faut-il dire, font l'objet de réclamations de 11 millions pour les vélos implantés à New York et à Chicago.

Selon le syndic RSM Richter, l'essentiel de l'actif non financier (19,3 millions) est dans le circuit en activité à Montréal (vélos, systèmes d'ancrage, etc.), ce qu'on ne veut pas acheter.

Autre élément important: seule une petite partie des revenus internationaux de BIXI est récurrente. La SVLS a vendu le système à des villes comme Londres ou Washington depuis trois ans, mais elle a déjà encaissé le gros des revenus. Elle offre un soutien technique, mais n'en tire qu'une petite portion du total.

Autrement dit, l'espérance de gain pour BIXI vient de l'engagement éventuel de nouvelles grandes villes. On s'entend donc, à moins de belles trouvailles dans les états financiers de 2013, comme un gros contrat payant, mon offre ne sera pas très élevée.

Reste un autre élément: les fournisseurs actuels, comme le fabricant Cycles Devinci, de Saguenay. Pour les rallier à mon offre, qui risque de leur faire perdre leur créance, j'ai l'intention de discuter avec certains pour leur proposer une participation au capital-actions de ma nouvelle BIXI International et donc aux profits éventuels.

Bref, pour réussir, il faudra déposer une offre modeste pour l'international, faire une croix sur la dette de 37 millions, trouver une bonne tête techno pour le logiciel, dénicher un bon avocat pour négocier les litiges et s'allier avec certains des principaux fournisseurs.