On s'attendait à quelque chose de gros. Des prises de position courageuses, des solutions novatrices, des sacrifices. On aura finalement eu droit à un pétard mouillé.

Jeudi dernier, les maires des grandes villes du Québec étaient réunis à l'hôtel Reine-Elizabeth pour résoudre l'un des dossiers de l'heure, soit «l'épineux problème du déficit des régimes de retraite des employés municipaux». Ils avaient convoqué tous les médias à 16h pour leur offrir un compte rendu de leurs discussions sur ce déficit, qui s'élève à 5 milliards de dollars. Les attentes étaient grandes.

Lors de l'ouverture des portes du salon Mackenzie, à l'heure dite, le fond de l'air sentait la politique et les compromis. Au fond de la salle, la dizaine de maires se sont regroupés, comme pour une séance de photos. Au centre se tenait le président de l'Union des municipalités du Québec, Éric Forest, à droite Régis Labeaume et, à gauche, Denis Coderre.

La grande nouvelle? Les villes demandent au gouvernement du Québec de... légiférer. Ah! bon. Et que dira la loi? «On verra en commission parlementaire.»

En lisant bien le communiqué et à force de questions, on a compris que les maires demandent au gouvernement d'obliger les fonctionnaires municipaux à s'entendre avec leur employeur dans un délai de deux ans. La première année servirait à négocier, et la seconde... à trouver un règlement.

Et qu'arrivera-t-il s'il n'y a pas d'entente après deux ans? Une ville pourra-t-elle imposer sa solution? Pourra-t-elle décréter un lock-out et donc cesser de payer ses employés jusqu'à un règlement? «On verra en commission parlementaire.»

Reconnaissez-vous que la rémunération de vos employés municipaux excède de 38% celle des fonctionnaires du gouvernement du Québec, notamment en raison des généreux régimes de retraite? Silence de mort.

Les villes disent vouloir «assurer la pérennité des régimes à prestations déterminées, assurer l'équité intergénérationnelle, protéger les contribuables municipaux et convenir d'un effort équitable pour tous». Mais pourquoi faut-il fixer l'échéancier dans deux ans, alors que tous les négociateurs savent qu'un règlement se négocie en quelques semaines, sinon en quelques jours.

Il faut dire que les villes en sont à des étapes bien différentes dans leurs rapports avec leurs employés. À Rimouski, le maire Éric Forest dit avoir réglé avec ses employés le déficit présent (celui des employés actifs) et le déficit passé (celui des retraités) des régimes de retraite.

À Montréal, l'ex-administration s'est entendue avec les cols bleus sur le déficit présent et des négociations se poursuivent avec les cols blancs. Et à Québec, les séances de négociations employeurs-employés ont débuté la semaine dernière sur la base de demandes patronales visant à réduire de 6% la masse salariale. Le maire Labeaume veut trouver une solution aux déficits passés et présents des régimes de retraite.

La rencontre des maires au Reine-Elizabeth aura eu au moins l'avantage d'établir une règle claire: les villes demandent au gouvernement de leur donner plus de pouvoir pour forcer la négociation, qui s'apparenterait à un demi-lock-out, en quelque sorte. L'appel sera-t-il entendu?

Une fonctionnaire en colère

Ma chronique «Les salaires incroyables des fonctionnaires municipaux» a soulevé de nombreux commentaires. J'y faisais état d'une étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) selon laquelle les fonctionnaires municipaux sont parmi les mieux payés au Québec, tout pris en compte.

Je terminais en disant que les fonctionnaires provinciaux, de leur côté, sont sous-payés. «Or, qu'arrive-t-il, à long terme, quand des emplois sont sous-payés? Deux choses: soit l'organisation fait face à une pénurie de main-d'oeuvre, soit elle pourvoit les postes avec des employés moins compétents, ce qui finit par avoir des conséquences sur les services publics [inspections de chantier, etc.].»

À la suite de l'article, une fonctionnaire d'expérience au gouvernement du Québec m'a raconté avoir effectivement constaté le phénomène. «À mon époque, dit-elle, il fallait passer des examens à n'en plus finir, être parmi les 10 premiers, bref être la crème de la crème. Aujourd'hui, nos patrons sont toujours en mode entrevue et en recherche d'employés et on recrute de plus en plus bas.

«On ne peut pas s'attendre des nouveaux venus d'être en mesure de remplir la commande. Il y a donc toujours plus de pression sur les anciens, très compétents. Et ça entraîne une dysfonction dans la qualité du travail, la répartition des tâches et la valeur du travail exercé. Comment se fait-il qu'un employé bilingue dans un domaine de pointe touche des salaires aussi bas?», demande la fonctionnaire, qui se plaint de ne pas pouvoir faire adéquatement son travail, soit de servir convenablement ses concitoyens.

Le phénomène est d'autant plus criant que le vieillissement de la population crée une pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs. À force de faire des coupes horizontales un peu partout plutôt que de choisir des secteurs à sacrifier, le gouvernement du Québec affaiblira tout l'appareil public.