Ne venez pas me faire croire que vous êtes surpris. Au Québec, tous ceux qui suivent le moindrement l'économie s'y attendaient, alors pour la surprise, on repassera.

Le Québec est la sixième province à reporter l'atteinte du déficit zéro. L'année se soldera par un déficit de 2,5 milliards de dollars, soit l'équivalent de 0,7% du produit intérieur brut (PIB).

En Ontario, le déficit sera bien plus important. Il équivaudra à 1,7% du PIB, à 11,7 milliards, tandis qu'au fédéral, ce sera l'équivalent de 1,0% du PIB (17,9 milliards).

On peut être déçu. Déçu de ne pas atteindre le déficit zéro plus rapidement. Déçu de ne pas être un des premiers États dans le monde à rééquilibrer ses comptes, ce qui nous aurait permis d'être à l'avant-plan de la relance. Mais surpris?

Ne venez pas me dire que vous êtes en désaccord avec le report du déficit zéro. La plupart des économistes suggéraient de mettre la pédale douce sur les compressions, question de ne pas nuire davantage à l'économie et d'accroître le déficit.

Même l'agence de notation Standard & Poor's en convient. «Le Québec devra restreindre certaines dépenses, [mais] ces restrictions devront être mesurées pour ne pas nuire à l'économie et affecter les revenus fiscaux», a déclaré l'analyste principal Mario Angastiniotis.

Le PIB du Québec croît au rythme de 0,9% cette année, alors la décision de ne pas couper 2,5 milliards, ou l'équivalent de 0,7% du PIB, était inévitable.

Ne venez pas me dire que le gouvernement du Québec contrôle mal ses dépenses. Pour l'année qui s'est terminée le 31 mars dernier, la croissance des dépenses a été de 1,2% et cette année, elle devrait être de 2,5%. Après, la cible est de 2% par année.

En comparaison, le bond prévu en Ontario est de 4,2% cette année et au fédéral, de 2,9%.

Ce qui coûte cher au Québec, ce n'est pas la gestion incontrôlée des dépenses, mais le grand nombre de programmes sociaux (assurance parentale, garderies à 7$, faibles droits de scolarité universitaire, assurance médicaments, écoles privées subventionnées, assurance automobile publique, électricité résidentielle peu coûteuse, etc.). Pas de doute qu'à long terme, ces programmes devront être rediscutés.

Ne venez pas me dire que le gouvernement péquiste stimule l'économie et fait ce qu'il faut pour accroître ses revenus.

Quand Pauline Marois a choisi la militante écologiste Martine Ouellet comme ministre des Ressources naturelles, elle a rassuré sa base militante, mais elle a nettement refroidi la communauté d'affaires. Le dernier projet de loi sur les mines de la ministre, qui a avorté, lui donnait un droit de veto sur les projets miniers, même si les entreprises respectaient les règles. Quelle entreprise sérieuse voudrait travailler avec une telle épée de Damoclès?

Quand le gouvernement a augmenté les impôts des riches, il a provoqué une montée de lait du milieu des affaires. Et maintenant, son projet de charte de la laïcité, justifié ou non, envoie un signal négatif à l'étranger.

Ajoutez à cela les horreurs de la commission Charbonneau et la crise étudiante de l'an dernier, dont le gouvernement n'est pas responsable, et vous avez un climat qui n'est guère propice aux affaires.

L'économie n'est pas qu'une question de chiffres. La perception des investisseurs, leur confiance sont de nature à stimuler l'économie et à augmenter les revenus de l'État. Bien sûr, le Québec est frappé par la reprise fragile de l'économie américaine et mondiale, mais le gouvernement doit s'affairer à améliorer le climat.

Cette année, le ralentissement de l'économie plus rapide que prévu privera le gouvernement de 750 millions en revenus.

Quoi qu'il en soit, ne venez pas me dire que le Québec est incapable de sortir de sa torpeur, avec nos ressources, notre savoir-faire et notre ménage de la corruption.

Gentilly et la TPS

Un petit mot sur la TPS et Gentilly-2. L'an prochain, pour boucler son budget, le gouvernement ne pourra plus compter sur l'harmonisation de la TVQ et de la TPS. Cette année, l'harmonisation lui procure 1,5 milliard de revenus du fédéral.

Sans ces revenus exceptionnels, le gouvernement ne se dirigerait pas vers un déficit de 2,5 milliards cette année, mais de 4,0 milliards!

Heureusement, le gouvernement a fermé la centrale nucléaire Gentilly-2. Heureusement? Bien oui, en fermant la centrale, Hydro-Québec se trouve à écoper d'une facture de 1,8 milliard. Conséquemment, les revenus qu'Hydro-Québec transfère au gouvernement du Québec reculeront d'autant, ce qui permet à ce dernier de toucher plus de péréquation du fédéral.

La péréquation est calculée avec un certain décalage et c'est en 2014-2015 que le gouvernement touchera la plus grosse part du gâteau. L'an prochain, en excluant la TPS, les transferts fédéraux augmenteront donc de 1,1 milliard, notamment en raison de la facture de Gentilly-2. Cette somme compensera la fin des revenus exceptionnels de TPS.